M. Colloghan
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samedi 8 juin 2013

Entretien avec Charles Piaget, figure de la lutte des "Lip"

A l'occasion du 40 e anniversaire de l'expérience de LIP, nous reproduisons cet entretien avec Charles Piaget réalisé en 2007 par Bernard Ravenel pour Mouvements.
Retour sur la lutte de l’usine Lip en 1973, ses expériences de pouvoir ouvrier et son rêve autogestionnaire.
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Mouvements : Vous avez été dans les années 1970 le principal dirigeant de la célèbre lutte des Lip. Quel a été votre itinéraire auparavant ? Charles Piaget : Je n’avais aucune prédisposition pour devenir un militant, mon père était un artisan horloger qui voyait plutôt d’un mauvais œil le syndicalisme. J’avais quatorze ans quand il est mort. J’ai ensuite été recueilli par une famille d’adoption, j’ai appris la mécanique et je suis allé travailler. C’était au lendemain de la guerre. À l’époque, d’ailleurs, j’étais très admiratif des États-Unis. L’Amérique, c’était un peu mon rêve, et je n’aspirais qu’à me marier et avoir des enfants. C’est au boulot que les choses ont commencé à changer. Je suis arrivé chez Lip en 1946.

dimanche 14 octobre 2012

Quelques leçons de l’autogestion ouvrière argentine.


Regarder là-bas pour construire ici…
Par Nils Solari

Ce texte fait suite à l’atelier de l’université d’été sur les entreprises récupérées en Argentine[1]. Afin de ne point trop revenir sur ce qui a déjà été décrit de ce phénomène dans les colonnes de Rouge & Vert, il apparaissait utile de prolonger l’objet des discussions durant l’atelier, à savoir l’intérêt pour un mouvement politique affichant comme objectif la construction de l’autogestion, de s’intéresser à ce qui s’est initié dans ce pays il y a plus de dix ans maintenant. À l’heure où la « crise de la dette » serait vouée à être l’horizon indépassable, sacrifiant tout sur l’autel de l’austérité, que pouvons nous retenir d’expériences collectives qui, bien que lointaines, se réclament de l’autogestion ouvrière ? Dans quelle mesure le regard sur ces initiatives, enrichi d’un certain recul, permet de nourrir les réflexions qui sont à l’œuvre ici ?

vendredi 12 octobre 2012

Mexique : Une lutte victorieuse contre la multinationale Continental

Par Richard Neuville
En cet automne maussade où les restructurations industrielles et les plans de destruction d’emplois tombent comme s’il en pleuvait, il n’est peut-être pas inutile de rappeler la lutte menée par les travailleurs de Continental au Mexique entre 2002 et 2005 et de tenter d’en tirer des enseignements.


En 2001, Continental Tire -qui possède 25 usines dans le monde- profite de l’opportunité de l’élection de Vicente Fox (Parti d’action nationale – droite) à la présidence de la république du Mexique pour engager la flexibilisation et la précarisation de l’emploi au sein de l’entreprise. En effet, le nouveau président s’est engagé à libéraliser l’économie en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) entré en vigueur au 1er janvier 1994. Alors que la multinationale allemande a acheté l’usine Hulera de Euzkadi en 1998, située à El Salto dans la banlieue de Guadalajara, elle engage un bras de fer avec le Syndicat national révolutionnaire des travailleurs (SNTRE) de la Compagnie Hulera de Euzkadi, qui compte un millier de travailleurs, pour imposer son plan de restructuration. C’est sans compter sur la détermination des travailleurs qui vont refuser le chantage à la fermeture et engager une très longue grève qui se conclura par la cession d’une partie de l’unité de production et la reprise de la production sous gestion ouvrière avec un statut coopératif.

lundi 24 septembre 2012

Typologie d’expériences autogestionnaires en Amérique latine et indienne et leur rapport au pouvoir

Intervention à l’Université d’été des Alternatifs à Méaudre (le 26 août 2012) et à la journée "Autogestion, Coopératives, Expérimentations. Un Autre Monde est déjà en Marche !" organisée par le Collectif Marinaleda à Graulhet (le 22 septembre 2012)

Par Richard Neuville

Avertissement : Cet essai de typologie comporte des limites comme toute catégorisation car il n’existe pas de frontières étanches entre le social et l’économique ou entre le social et le politique.

L’Amérique latine et indienne se caractérise comme un pôle de résistance et un laboratoire social au regard de la richesse et la diversité de ces expériences. Au cours des deux dernières décennies, la région a connu un cycle de conflits et de mobilisations, au point de constituer le principal foyer de résistance à la mondialisation capitaliste et à l’hégémonie de l’Empire. En effet, le sous-continent a été le premier affecté par la mise en œuvre des recettes néolibérales et les plans d’ajustement structurels imposés par les institutions internationales. De fait, il a connu 20 ans plus tôt que l’Europe les conséquences sociales, économiques et humaines de telles politiques. Il est probablement utile de réfléchir sur les réponses que les peuples ont tenté de trouver, non pas pour les transposer mais pour étayer la réflexion et les pratiques sociales dans le vieux continent.

mercredi 25 juillet 2012

Vers la gestion ouvrière dans l'usine Viomijanikí Metaleftikí à Thessalonique





 « Vous ne le pouvez pas ? Nous, nous le pouvons ! »

Avec ce slogan « ΔΕΝ ΜΠΟΡΕΙΤΕ ΕΣΕΙΣ?  ΜΠΟΡΟΥΜΕ ΕΜΕΙΣ! », les ouvriers d’une entreprise grecque (à Thessalonique) se préparent à organiser la production après que 98 % des travailleurs aient voté en assemblée générale en faveur de l’autogestion de l’usine.

dimanche 27 novembre 2011

Venezuela - Les travailleurs de « La Gaviota » veulent approfondir le contrôle ouvrier

Nous publions cet article qui illustre bien les difficultés de l'exercice du contrôle ouvrier au Venezuela

Auteure : Carolina Hidalgo
Traduit et publié par Thierry Deronne sur le site La revolución vive

En décembre 2010, les travailleurs de l’entreprises de conserves alimentaires « La Gaviota » ont organisé une grève de 21 jours. Il ne s’agissait pas seulement d’exprimer des revendications sur le travail mais aussi d’exiger des informations sur la comptabilité et de protester contre la chute et les « problèmes fréquents » dans la distribution.

dimanche 20 novembre 2011

Argentine : Zanon, laboratoire d'autogestion ouvrière

Argentine - Il y a dix ans Zanon était récupéré par ses travailleurs

Un laboratoire d’autogestion ouvrière (Article original publié dans Pagina 12)
et rédigé par Adriana MEYER

“Nous sommes en train d’écrire une part de l’histoire du mouvement ouvrier”, dit un porte-parole de FaSintPat, qui aujourd’hui emploie 450 ouvriers et produit 300.000 m2 de céramique par mois.

vendredi 3 juin 2011

Actualité de l'autogestion : débat sur le contrôle ouvrier et les contre-plans alternatifs

Contribution de
Richard Neuville

Si des conditions objectives permettent indubitablement l’accélération des processus d’appropriation collective des moyens de production, comme cela s’est notamment vérifié lors des révolutions sociales en 1917 en Russie et, surtout en 1936 avec les collectivisations spontanées en Catalogne et en Aragon, d’autres formes et modalités d’appropriation ont vu le jour ces dernières années dans des contextes bien différents. Les mouvements de récupération d’entreprises en Argentine (220 en une décennie), de l’usine sidérurgique vénézuélienne SIDOR, de l’usine de pneumatiques Hulera Euzkadi S.A, qui appartenait à Continental Tire, à El Salto au Mexique démontrent que des luttes contemporaines dans des contextes différents peuvent remettre en cause la propriété capitaliste de moyens de production et redémarrer une production sous gestion ouvrière.  

samedi 8 janvier 2011

La Révolution espagnole : Les collectivisations en Catalogne (1936-1939)

Cet article est paru in collectif Lucien Collonges, coordinateur de l'ouvrage "Autogestion hier, aujourd'hui, demain", paru aux Editions Syllepse, mai 2010.

Richard Neuville *

« Pour qui arrivait directement d’Angleterre, l’aspect saisissant de Barcelone dépassait toute attente. C’était bien la première fois dans ma vie que je me trouvais dans une ville où la classe ouvrière avait pris le dessus. […] Tout cela était étrange et émouvant. Une bonne part m’en demeurait incompréhensible ; mais il y avait là un état de choses qui m’apparut sur-le-champ comme valant la peine qu’on se battît pour lui. » George Orwell1

Dans la nuit du 18 juillet 1936, les généraux « rebelles » déclenchent le pronunciamento et déclarent l’état de guerre dans toute l’Espagne. Depuis la victoire du Frente Popular aux élections législatives en février, la tension est à son comble entre les partisans de l’Espagne « éternelle » et ceux de l’Espagne républicaine. La reconquista engagée par les militaires insurgés marque le début de la guerre civile et de la Révolution espagnole. En effet, très vite, la résistance antifasciste s’organise. A Barcelone, Gijon, Madrid, Malaga, Saint-Sébastien et Valence, l’insurrection militaire est écrasée par le mouvement populaire. Si le pays est coupé en deux, le gouvernement républicain reste cependant en place. Dans ces villes, devant le refus du pouvoir légitime d’armer le peuple, les travailleurs attaquent les armureries et les casernes et infligent une défaite aux factieux. La République se voit discréditée pour avoir refusé de donner des armes au peuple. Dans les zones où les militaires sont vaincus, des changements importants se produisent. Une profonde transformation économique et sociale s’amorce. Elle revêt cependant une intensité variable selon les territoires de l’Espagne républicaine. En Catalogne, l’influence idéologique libertaire au sein de la classe ouvrière, la structure économique distincte de celle du reste de l’Etat espagnol et l’indépendance politique (jusqu’à la fin de l’année 1937) vis-à-vis du pouvoir central sont des facteurs déterminants pour développer une alternative autonome aux lois du marché et au rôle prépondérant de l’Etat. C’est tout l’intérêt de l’expérience des collectivisations développées en Catalogne à partir du 19 juillet 1936, qui se caractérise par la mise en pratique des principes du socialisme anti-autoritaire et constitue encore aujourd’hui « une expérience unique au monde »2.

Les entreprises récupérées en Argentine - « Occuper - résister - produire »

A la suite de la synthèse de l'enquête de l'université de Buenos Aires sur les entreprises récupérées en Argentine, nous publions cet article rédigé en septembre 2009 pour le livre "Autogestion hier, aujourd'hui, demain", paru aux éditions Syllepse en mai 2010.

Richard Neuville *

Si l’autogestion passait à des formes pratiques et concrètes et ne s’en tenait pas à des déclarations de principe, non seulement on s’interrogerait sur le mauvais fonctionnement du système existant, mais également sur la possibilité d’instaurer une économie alternative à caractère social, ce qui conduirait à rompre avec le discours hégémonique des 15 dernières années et le règne du marché. ” Gabriel Fajn 1 

Les politiques ultra-libérales, menées pendant 25 ans et particulièrement à partir de 1989, par les gouvernements dirigés par Menem et De la Rua, ont plongé l’Argentine dans la crise socio-économique la plus profonde de son histoire. Le modèle d’accumulation et de concentration financière a provoqué la fermeture continue d’entreprises dans le secteur industriel, la rupture interne de circuits commerciaux et la marginalisation de secteurs importants de la production. Les 4 années de récession, qui ont précédé la crise de 2001, caractérisées par une forte chute de la demande, du produit intérieur brut et de l’investissement, ont généré un cycle de dépression de l’économie. Cette situation a contraint de larges secteurs de la population à trouver des formes de survie, à travers le développement du troc et le renforcement des solidarités au sein des communautés de vie.

C’est dans ce contexte qu’éclate la révolte populaire du “ 19-20 ” décembre 2001, « el corralito »2 Cette explosion sociale voit émerger un extraordinaire processus d’auto-organisation sociale et de résistance avec la constitution spontanée des assemblées populaires et le développement de médias alternatifs. Parallèlement, le mouvement “ piqueteros ”3 se renforce et la récupération des entreprises par les travailleurs (ERT) acquiert une ampleur sans précédent.

lundi 3 janvier 2011

Argentine : les entreprises récupérées se consolident !

Richard Neuville *

« Aujourd’hui, quel que soit l’endroit dans le pays, lorsqu’une entreprise ferme, les travailleurs brandissent le drapeau de l’autogestion. C’est le grand acquis de la lutte de la classe ouvrière argentine » (José Abelli)1.


La récupération d’entreprises par les travailleurs en Argentine (ERT) n’est pas qu’un lointain souvenir de la crise de 2001. Depuis, « les ERT, non seulement, n’ont pas disparu mais elles se sont converties en une option que les travailleurs reconnaissent comme valide, malgré toutes les difficultés plutôt que de se résigner à la fermeture des entreprises ». (Ruggeri-2010) De fait, le mouvement de récupération s’est poursuivi et les ERT ont même réussi dans une forte proportion à se consolider, voire à se renforcer, c’est ce que relève la troisième enquête sur les entreprises récupérées réalisée dans le cadre du programme « Faculté ouverte » de la Faculté de philosophie et de lettres de Buenos Aires (UBA)2, qui a été rendue publique en octobre dernier. Le présent article se fixe comme objectif d’en dégager une synthèse.

lundi 20 décembre 2010

Bilan du procès de la dictature chilienne


Le bilan du procès historique contre la dictature chilienne s'est déroulé du 8 au 17 décembre 2010 à la Cour d’Assise de Paris, réalisé par l'Association des ex prisonniers chiliens - France :

La Conférence de Presse au Centre d’Accueil de la Presse Etrangère (CAPE), le Dossier de presse; les évènements quotidiens; les dessins de Tardi, ami solidaire et généreux; ainsi que l’affiche de Placide ; quelques articles dans les journaux et revues, quelques interviews avec les participants, des photos – surtout celle de la manifestation, finale de bilan du Procès français de la dictature chilienne-

vous pouvez voir tout cela en cliquant sur les liens suivants :

lundi 1 novembre 2010

Ceralep : Quand les travailleurs refusent le diktat des actionnaires !

Nous publions successivement cinq courts articles (encadrés) rédigés par Richard Neuville, parus dans le livre "Autogestion, hier, aujourd'hui, demain", coordonné par le collectif Lucien Collonges, éditions Syllepse, mai 2010, 703p.

Richard Neuville *
L’histoire de l’entreprise Ceralep débute à Saint-Vallier (Drôme) en 1921. Elle se conjugue avec celle du capitalisme industriel et financier. Possédant un savoir-faire dans un secteur stratégique, l’entreprise est rachetée successivement par des groupes français, européens puis américain. Au gré des restructurations, l’effectif passe de 500 salariés dans les années 70 à 150 en 1990. En janvier 2004, comme des milliers d’autres ces dernières années, elle est mise en liquidation pour ne pas avoir distribué suffisamment de dividendes à ses actionnaires. Mais cette fois-ci, l’entreprise ne fermera pas. Très déterminés, les travailleurs engagent la lutte pour conserver leur emploi et poursuivre la production sous la forme coopérative.

Ceralep fabrique des isolants en céramique essentiels pour le transport et la distribution électrique. Pour résister à la concurrence japonaise, le secteur s’est d’abord restructuré dans les années 70 sous l’impulsion des principales entreprises nationales (Ceraver, Merlin Gerin, Alstom Atlantique), puis de grands groupes européens comme l’autrichien CERAM, qui est lui-même acquis en 2000 par PPC Insolators, détenu par des fonds de pension américains. En moins de trois ans, l’entreprise est poussée au dépôt de bilan. Les actionnaires du groupe estimant l’entreprise insuffisamment rentable déposent le bilan en septembre 2003 et licencient 57 personnes. Pourtant l’entreprise possède un solide carnet de commandes et produit pour 130 clients et non des moindres (EDF, SNCF, AREVA, SAGEM…). Malgré cela, la société est mise en liquidation le 31 janvier 2004 et l’administrateur ne déploie pas beaucoup d’énergie pour retrouver un repreneur. Le tribunal de commerce de Romans refuse même un projet de reprise pour un euro symbolique.

Tower Colliery : Treize années de gestion ouvrière

Richard Neuville *

« La mine de Tower représente la liaison entre la nécessité d’une justice sociale à l’échelle locale et la volonté de porter des idéaux à l’échelle internationale. » (Carré 1999)


En 1979, à peine désignée Premier Ministre britannique, Margaret Thatcher, entreprend sa « révolution conservatrice » en s’attaquant aux acquis sociaux, aux droits syndicaux et aux services publics. Elle entend prendre sa revanche avec les mineurs, responsables à ses yeux de la chute du gouvernement conservateur d’Edward Health en 1974. Elle décide pour cela de remplacer l’industrie minière par le gaz et l’énergie nucléaire, beaucoup plus cher. Une longue bataille politique s’engage alors entre la Dame de fer et le syndicat des mineurs. En mars 1984, l’Union nationale des mineurs déclenche une grève illimitée. Celle-ci sera la plus longue de l’histoire du mouvement ouvrier britannique mais les mineurs reprendront le travail un an plus tard en mars 1985 sans avoir rien obtenu. (Lemoine 1985)
 

dimanche 10 octobre 2010

Venezuela : Dans quelle mesure, les travailleurs contribuent-ils à l‘approfondissement et à la radicalisation du processus révolutionnaire ?

Intervention Congrès Marx International VI
Université Paris Ouest Nanterre - la Défense
Atelier 7 : Autogestion : expériences actuelles
Samedi 25 septembre 2010
Richard Neuville *

Venezuela : Dans quelle mesure, les travailleurs contribuent-ils à l‘approfondissement et à la radicalisation du processus révolutionnaire ?
Le pouvoir bolivarien a mis en place des mécanismes de démocratie active au service de la justice sociale, qui se sont traduits par une grande implication des classes populaires dans la gestion des programmes sociaux et au sein des conseils communaux. L’exercice d’un pouvoir populaire a permis l’émergence d’une culture politique et la politisation de vastes secteurs de la population.
Parallèlement, le gouvernement a mis en œuvre ou impulsé différentes formes de socialisation de la production (coopératives, entreprises de production sociale, nationalisations). Les travailleurs se sont-ils réellement approprié ces outils ? Exercent-ils vraiment un réel pouvoir de contrôle dans une perspective anticapitaliste et autogestionnaire ?

lundi 31 mai 2010

« Occuper, résister, produire », éclairs autogestionnaires latino-américains

Mardi 25 mai 2010 à 21h à la Maison de l'Amérique Latine
Compte rendu Benoît Borrits *
Cette conférence s'inscrit dans un cycle des « 40 ans » de France Amérique Latine. Elle a été introduite par Franck Gaudichaud (France Amérique Latine) qui a rappelé que ces « éclairs autogestionnaires » latino-américains s'inscrivent dans une longue tradition de lutte pour le « poder popular » (pouvoir populaire), tradition qui prend sa source à Cuba dans les années 30 avec les Conseils ouvriers. Deux périodes fortes de mobilisations sont à distinguer, périodes séparées par les années noires de dictatures militaires. La première prend son envol avec la révolution cubaine de 1959, les réformes du Président Velasco au Pérou (1968-75), le gouvernement d'Unité Populaire au Chili, le Cordobazo (1969) en Argentine ou encore l'Assemblée Populaire de Bolivie de 1971. La seconde prend la forme de laboratoires d'expérimentations démocratiques, tels que les médias communautaires vénézueliens, les communautés zapatistes et la commune d'Oaxaca au Mexique ou encore les Piqueteros argentins. De plus, la venue au pouvoir de gouvernements progressistes au Venezuela, en Bolivie ou en Equateur crée une relation nouvelle qui permet de démultiplier ces expériences.

lundi 18 janvier 2010

La SCOP CERALEP de St Vallier (Drôme)


Du combat syndical à l'appropriation de l'outil de travail.
Nous étions 6 militant-e-s des Alternatifs à visiter ce lundi 4 janvier la société CERALEP à St Vallier dans la Drôme. Cette entreprise fabrique des isolants électriques pour des courants à très haute tension (3500-4000 volts). Elle a été reprise en SCOP par ses salariés en avril 2004 et présente, outre des performances économiques enviables, de réelles avancées en termes d'autogestion et d'appropriation par les travailleurs de leur outil de travail.

mardi 1 septembre 2009

Mondragon, des coopératives ouvrières dans la mondialisation

Adaptation ou contre-offensive ?
Joël Martine, Marseille, avril 2008


Première partie : une éthique, une réussite
Mondragon Corporacion Cooperativa (MCC) est une petite multinationale dont le noyau est constitué de coopératives ouvrières à Mondragon au Pays Basque espagnol. Ces coopératives, propriété de leurs travailleurs, les socios, sont fédérées en un réseau qui a ses propres institutions de financement ; et d'autre part ces fonds de financement détiennent des entreprises en tant qu'actionnaire capitaliste (certaines en joint venture avec des capitaux privés), actuellement dans 18 pays (Grande-Bretagne, Brésil, Chine, Mexique, etc.). Par exemple l'entreprise d'appareils électroménagers Fagor possède une filiale en Pologne, en France (Brandt), et au Maroc. Les principales activités de MCC sont industrielles (machines-outils, équipements automobiles, etc.) ; elle comprend aussi la chaîne de supermarchés Eroski, qui a mis en place des centrales d'achat communes avec des entreprises capitalistes européennes de la grande distribution. Au total, le groupe avait environ 25000 emplois en 1992, 81880 fin 2006, dont plus de la moitié ne sont pas des coopérateurs.

mardi 24 mars 2009

Les coopératives ouvrières de Mondragon

Joel Martine *


UNE REPONSE AUTOGESTIONNAIRE A LA MONDIALISATION
Les coopératives ouvrières, ça marche.
…. Et ça marche d’autant mieux si elles sont fédérées en un réseau ayant son propre système de financement.


C’est le cas de MONDRAGON CORPORACION COOPERATIVA (MCC), un groupe industriel de 218 entreprises dont la moitié sont des coopératives, dans les secteurs de la construction, les machines-outils, l’électro-ménager, la distribution, un peu l’agriculture, etc. A l’origine, quelques coopératives à Mondragon au Pays Basque espagnol. En 1959 elles se sont dotées d’une coopérative de crédit, dans l’esprit de mettre les outils économiques au service de l’homme. Ce qui leur a permis d’essaimer. Dans les années 70 elles ont créé un centre de recherche technologique. Ces moyens financiers et technologiques ont été renforcés dans les années 80 pour faire face à la concurrence capitaliste du marché européen et de la mondialisation. MCC est devenu le 7ème groupe d’entreprises en Espagne, et il a maintenant 38 sites de production à l’étranger (France, Grande-Bretagne, Pologne, Brésil, Chine, etc., en tout 14 pays). MCC possède sa propre banque, la Caja Laboral[1].
Une petite multinationale, donc, mais dont le fonctionnement n’a rien à voir avec celui d’un groupe capitaliste organisé de haut en bas et commandé par les grands actionnaires. C’est l’inverse : la direction du groupe est élue par un congrès annuel des représentants de toutes les entreprises, c’est-à-dire des travailleurs puisque chaque coopérative est et reste propriété de ses salariés. C’est l’assemblée des travailleurs de l’entreprise qui définit ses orientations et élit sa direction, au suffrage égalitaire : une personne, une voix. L’assemblée des travailleurs élit aussi un Conseil Social, qui joue à peu près le rôle d’un syndicat.

Les travailleurs co-propriétaires
Chaque travailleur possède personnellement une part du capital de son entreprise, qu’il a investie lorsqu’il est devenu sociétaire. Sur cette base il reçoit une part des bénéfices comme un actionnaire (en plus de son salaire). Autrement dit les travailleurs-propriétaires se partagent les bénéfices. Mais une partie de ces bénéfices, dont le montant est décidé par l’assemblée de l’entreprise, doit obligatoirement être réinvestie dans l’entreprise. Ainsi le capital collectif augmente par augmentation de la propriété de chacun. Le reste est empoché par les individus comme intérêts de leur part de capital. Cet intérêt ne dépasse pas 7,5% ; il est donc beaucoup moins lourd pour l’entreprise que les intérêts à 14% ou plus qu’exigent aujourd’hui les actionnaires des entreprises capitalistes sous peine de « licenciements boursiers » ! D’un autre côté, l’investissement dans l’entreprise reste avantageux comparé à d’autres formes d’épargne. Bref, le sociétaire travaille pour lui et pour ses collègues, et pas pour des actionnaires extérieurs, sans compter le plaisir de faire partie d’une collectivité solidaire ! En plus de l’intérêt de base, les salariés sur poste de responsabilité reçoivent une participation aux bénéfices (ou aux pertes éventuelles !) plus ou moins importante selon leur niveau de responsabilité. Enfin le travailleur qui quitte l’entreprise ou part en retraite retire sa part du capital (son apport initial augmenté des dividendes capitalisés) ou la vend à d’autres sociétaires.
L’éventail salarial, initialement de 1 à 3, est actuellement de 1 à 6, afin de rester attractif pour les salariés très qualifiés et d’encadrement. Les salaires ouvriers sont parmi les plus élevés de la profession localement ; les salaires des cadres sont nettement inférieurs à ceux du privé.


Un financement inter-entreprises original
Ce que les coopératives de MCC font mieux que les autres, c’est qu’une partie de leurs bénéfices est d’abord versée à un fonds inter-entreprises du groupe, qui lui va investir cet argent dans les différentes entreprises pour aider à leur développement ou les soutenir en cas de difficulté. Cela permet d’anticiper les restructurations, mieux que ne le ferait une coopérative isolée, et sans faire de dégâts humains ! Il y a aussi un fonds commun pour la formation et un pour la prévoyance sociale. C’est ce dispositif de financement qui donne aux coopératives de MCC les moyens d’être concurrentielles face aux entreprises capitalistes.
Tout cela marche grâce à une éthique de la démocratie d’entreprise et de la solidarité, qui ne s’est pas démentie depuis cinquante ans. Le résultat, c’est un groupe dynamique, qui développe des emplois qualifiés et qui ne laisse personne sur le carreau : les avantages du capitalisme sans ses inconvénients !
En plus, MCC participe au développement local au Pays Basque en concertation avec les pouvoirs publics et finance des œuvres sociales.


Mondragon fait rêver
Chaque année nous voyons fermer des entreprises pourtant viables et utiles dans le tissu économique local, pour la seule raison que les actionnaires demandent le maximum de profit. Un réseau comme celui de Mondragon pourrait proposer aux équipes de salariés menacés par les « licenciements boursiers » de sauver leur emploi en montant une coopérative. Ce n’est pas le choix de MCC : pour eux, le premier critère pour fonder un établissement est sa complémentarité industrielle dans la stratégie de développement du groupe. Mais ce serait sans doute possible, s’il y avait aussi la volonté politique de collectivités locales et l’engagement de banques coopératives existantes.
On pourrait donc imaginer un réseau qui développerait une alternative aux règles du jeu capitalistes. Cela permettrait que l’économie alternative et solidaire ne reste pas cantonnée à des activités peu rentables et au créneau de l’insertion.
On peut aussi s’inspirer du fonctionnement de MCC pour imaginer ce que pourrait être aujourd’hui un secteur d’entreprises autogérées, servant de banc d’essai pour une future réorganisation socialiste de l’ensemble de l’économie. Avec toutefois d’importantes différences : notamment, il vaudrait mieux que le fonds de financement interentreprises soit un service public, plutôt que d’appartenir à un groupe industriel en concurrence avec d’autres[2].


Nouveaux défis
L’extension internationale a lancé un défi nouveau aux coopérateurs : pour « jouer dans la cour des grands », MCC a besoin de créer des entreprises-relais hors du Pays Basque et hors de l’Espagne, mais elle ne trouve pas toujours une équipe de travailleurs prête à fonder une coopérative. Dans ce cas le groupe crée une entreprise de type capitaliste, comme ferait une multinationale, et parfois en joint venture. Le résultat est que sur un total de 68260 emplois en 2003 (ils n’étaient que 25322 en 1992), plus de la moitié ne sont pas des coopérateurs … Le groupe étudie actuellement des formules qui permettraient de faire participer les salariés non-coopérateurs à la propriété et à la gestion de l’entreprise. La transformation des entreprises à l’étranger en coopératives n’est pas envisagée pour l’instant, mais n’est pas exclue pour l’avenir.
Au Pays Basque, 20% des salariés des coopératives de MCC ne sont pas coopérateurs … mais ils le deviennent le plus souvent au bout de deux ou trois ans : le groupe les y incite en leur proposant une formation à la gestion.
Autre problème : les ressources financières du groupe ne suffisent pas toujours à apporter aux entreprises les capitaux nécessaires à leur développement. La chaîne de distribution Eroski résout ce problème en émettant depuis 2002 des titres de participation dont la rémunération est fixe et garantie, et qui sont attractifs pour les investisseurs. Ce recours à l’investissement privé crée bien sûr une contrainte financière pour la coopérative, mais ne met pas en danger son autonomie, les investisseurs extérieurs n’ayant pas de pouvoir sur la gestion de l’entreprise. Est donc préservé le principe selon lequel le capital est un moyen au service de l’entreprise et de ses travailleurs, et non l’inverse.


* Joël MARTINE, Marseille, novembre 2004[1]
Pour en savoir plus : http://www.mondragon.mcc.es et articles en anglais d’observateurs extérieurs : http://www.sfworlds.com/linkworld/mondragon.html. [2]. Sur ce débat, voir surtout Tony Andréani, Le Socialisme est (à)venir, éd. Syllepse, 2004, tome 2, p.257. 
Voir aussi Pour un secteur de la propriété sociale, viable dans l’environnement économique actuel, article accessible sur http://joel.martine.free.fr, rubrique alternatives économiques et dans l’ouvrage collectif Le Socialisme de marché à la croisée des chemins, dir. Andréani, éd. Le Temps des cerises, 2004.