Nous publions la suite des articles de Richard Neuville rédigés pour le dossier "Catalogne : La question nationale - Autodétermination et auto-organisation" d'Ensemble !
Après la manifestation du 10 juillet 2010 contre
la décision du Tribunal constitutionnel, les mobilisations citoyennes allèrent
crescendo et l’accumulation de forces contribua à radicaliser le processus,
tout en adoptant depuis le début une stratégie non violente, et les lignes
politiques au cours des années suivantes. En décembre 2010, en pleine crise
économique et sociale, Convergència i
Unió (CiU), qui intégra le « droit de décider » dans son
programme, remporta les élections avec 38,5% des voix et 62 sièges (majorité relative).
Artur Mas devint le nouveau président de la Generalitat grâce à
l’abstention du Parti dels socialistes catalans (PSC). Les formations du
gouvernement « tripartite » furent largement battues, le PSC recula
de 8,5%, Esquerra republicana de Catalunya (ERC) de 7% et Iniciativa
per Catalunya/Els Verds-Esquerra Unida i Alternativa (ICV-EUiA) de 1 % et
perdirent 22 sièges. La coalition Solidaritat Catalana per la Independència (SI), créée
en juillet 2010, intégra le Parlament avec 4 sièges.
Les mobilisations citoyennes,
principalement à l’initiative de l’Assemblée nationale catalane (ANC)[1],
de l’Ómnium cultural[2]
et de l’Associació de
municipis per la independència (Association des municipalités
indépendantistes, AMI)[3],
et à partir de 2013 de Procés constituent a Catalunya[4] vont se succéder : le 11 septembre
2012, jour de la Diada, la manifestation organisée par l’ANC avec comme
mot d’ordre « Catalunya, nou estat d’Europa » fut la plus importante
jamais réalisée, avec 2 millions de personnes ; de nombreuses communes et
comarques adoptèrent des résolutions en faveur de l’indépendance et se
déclarèrent « territori català lliure » (« territoire catalan libre ») ;
la pétition « pour un vote pour l’indépendance » en 2013 et la consultation en
2014, la chaîne humaine de 400 km entre La Jonquera (nord) et Alcanar (sud) le 11 septembre 2013 (1,6 million de personnes) et la
manifestation en forme de V, la Via Catalana cap a la Independència, à
Barcelone (1,8 à 2 millions de personnes) en 2014. Ces organisations furent
également à l’origine de la consultation du 9 novembre 2014.
En juillet 2012, le Parlament
catalan adopta très largement un « pacte fiscal » (Le PPC s’abstint),
mais il fut impossible de le négocier avec le gouvernement Rajoy. Face à ce
refus, CiU décida de convoquer des élections anticipées et d’inscrire une
consultation d’autodétermination dans son programme. Le 27 septembre 2012, une
résolution demandant l’organisation d’un référendum d’autodétermination fut
adoptée par 84 voix (CiU, ERC, ICV-EUiA, SI).
Le 25 novembre 2012, les forces
nationalistes et indépendantistes progressèrent malgré un recul de CiU,
responsable des politiques d’austérité imposées au peuple catalan. ERC
progressa fortement et la Candidatura d’unitat popular (CUP) entra au Parlament.
Une nouvelle majorité (CiU, ERC, CUP, ICV-EUiA) favorable à un processus
consultatif et un accord de gouvernement entre CiU et ERC permit de reconduire
Artur Mas à la présidence de la Generalitat.
Le 23 janvier 2013, le Parlament catalan adopta une
« déclaration de souveraineté et pour le droit à décider du peuple
catalan ». Le 13 mars 2013, une nouvelle résolution fut adoptée pour
« réaliser un dialogue bilatéral avec le gouvernement central ». Ces
deux résolutions furent très vite suspendues par le Tribunal constitutionnel.
En juin 2013, le gouvernement d'Artur Mas
créa le Pacte nacional pel
dret a decidir (Pacte national pour le droit de décider, PNDD),
regroupant des forces politiques et sociales favorables au droit à
l'autodétermination de la Catalogne. Le PNDD contribua à
préparer la consultation sur l'indépendance du 9 novembre 2014, au cours de
laquelle 2,3 millions personnes participèrent en se prononçant à 80,76% en
faveur d’un État indépendant. Devant le refus du Congrès, la procédure
référendaire fut transformée en consultation. Celle-ci était soutenue par 96,2
% des 947 municipalités catalanes qui approuvèrent des motions de soutien mais
le Tribunal constitutionnel, saisi par le gouvernement central l’interdit. Après
sa tenue, Artur Mas déclara vouloir organiser une « consultation définitive
légale, contraignante et pactée avec le gouvernement espagnol ». En cas de
refus, il proposerait l’organisation d’élections anticipées. Le 13 décembre, le
pouvoir répondit par l’engagement de poursuite à l’encontre d’Artur Mas et par
une déclaration dans laquelle il s’opposait à la réforme de la Constitution parce que « la souveraineté et
l’unité de l’Espagne » ne sont pas négociables. Le PNDD se réunit pour la
dernière fois en mars 2015 pour débattre de la convocation des élections
autonomiques « plébiscitaires » du 27 septembre 2015, dont l'enjeu était la
question de l'indépendance. Cette décision entraîna la rupture au sein de la
coalition CiU entre Convergència (CDC) et Unió (UDC), qui
refusait la voie unilatérale. En juillet, CDC et ERC s’accordèrent pour se
présenter ensemble sur une liste « souveraine et unitaire ».
L’intransigeance du pouvoir central, dirigé
par Mariano Rajoy, avec qui aucune négociation n’était possible, a conduit le
gouvernement catalan à décider unilatéralement d’organiser cette consultation.
Minoritaire à l’issue des élections régionales du 27 septembre 2015 avec 39,59
% des voix et 62 sièges, la coalition Junts pel Si (Ensemble pour le oui),
regroupant la Convergència
Democràtica de Catalunya devenue depuis Partit demòcrata europeu català (PDeCat), ERC et
des indépendants (notamment de l’ANC), fut contrainte de signer un pacte avec la CUP, qui avait obtenu 8,21 % des voix et 10 sièges, à
l’issue d’une négociation d’un peu plus de trois mois. Début janvier 2016, une
courte majorité de la CUP, organisation
anticapitaliste et indépendantiste, décida de soutenir le gouvernement sans
participation à l’exécutif et d’apporter une majorité au sein du Parlament
(72 sièges sur 135). Tout au long de l’année 2016, la CUP – en rejetant notamment le budget 2016 – et les organisations
de la société civile seront les acteurs qui feront pression sur le gouvernement
régional pour l’organisation de ce référendum et pour une modification de la
feuille de route de l’exécutif.
En octobre 2016, le Parlament de
Catalogne adopta deux résolutions sur le référendum sur l'indépendance. La
première, votée par Junts pel Sí et la CUP, avec l'abstention de la gauche radicale de Catalunya
sí que es pot (CSQP), prévoyait la tenue d'un référendum contraignant, sans
l'accord de l'État espagnol, au plus tard en septembre 2017. La seconde,
adoptée à l'initiative de CSQP avec l'approbation de Junts pel sí et
l'abstention de la CUP, évoquait un
référendum avec des garanties juridiques et reconnu par la communauté
internationale. La résolution sur le référendum unilatéral fut contestée par le
gouvernement espagnol et annulée par le Tribunal constitutionnel en février
2017.
En décembre 2016, le Pacte nacional pel referèndum (PNR) fut
créé en vue de l'organisation d'un référendum sur l'indépendance de la Catalogne. Il rassemblait notamment le gouvernement, les
forces politiques indépendantistes, la coalition Junts pel Sí et la CUP, et celles de la gauche radicale (Podem tandis
que Catalunya en Comú et le groupe parlementaire CSQP refusèrent de s’y
inscrire), des acteurs locaux et représentants de la société civile qui sont
favorables à l'autodétermination.
En février 2017, le PNR adopta un manifeste
exprimant ses revendications et organisa une campagne de soutien qui recueillit
la signature de 500 000 personnes et de 4 000 organisations. Devant le refus
réitéré du gouvernement espagnol d'ouvrir des négociations sur la tenue du
référendum, le gouvernement catalan décida d'organiser le référendum sans son
accord. Il convient également de souligner les limites du système des autonomies
dans l’État espagnol qui permet à l’État central toute mesure votée par les
Parlements des communautés. Dans le cas catalan, plus d’une trentaine de lois
progressistes ont été annulées par le Tribunal constitutionnel ces dernières
années.
[1] L'Assemblea nacional catalana (ANC) est une organisation de base transversale et unitaire qui se
fixe « comme objectif l’indépendance de la nation catalane par des moyens
démocratiques et pacifiques ». Elle a été créée le 30 avril 2011 à Barcelone.
Elle regroupe environ 80 000 membres et compte 500 assemblées territoriales.
Elle impulse des initiatives pour l’organisation d’un référendum sur
l’autodétermination de la Catalogne. http://assemblea.cat/quisom
[2] Ómmium Cultural est une organisation créée en 1961 pour la défense
de la langue, la culture et la cohésion sociale. Elle œuvre pour « l’égalité
des droits dans la diversité et les opportunités, pour la solidarité, les
libertés et les espérances collectives ». Elle regroupe 55 000 membres répartis
sur 22 secteurs géographiques en Catalogne. Elle s’est radicalisée ces
dernières années. https://www.omnium.cat/qui-som/presentacio
[3] L'association des communes pour l'indépendance, Associació de
municipis per la independència, est une organisation qui regroupe les
entités élues (municipalités, comarques et autres) pour défendre l’indépendance
de la
Catalogne. Elle a été créée le 14
décembre 2011 à Vic. Elle représente 80,6 % des municipalités catalanes. En
outre, 96% des municipalités s’étaient prononcées en faveur du référendum «
pour le droit à décider », Respaldo al dret a decidir, en octobre 2014. http://www.municipisindependencia.cat/
[4] Procés constituent a Catalunya est un mouvement social
anticapitaliste et indépendantiste catalan créé en avril 2013, initié notamment
par Teresa Forcades (une religieuse). Il revendique 25 000 adhérent-e-s. Comme
son nom l’indique, il défend un processus constituant pour parvenir à l’indépendance.
www.procesconstituent.cat
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