Un dossier sur la Catalogne a été réalisé par la commission Etat espagnol du mouvement Ensemble ! Nous reproduisons ici l'introduction et le sommaire.
L’automne catalan est venu rappeler que le droit à
l’autodétermination des peuples n’appartient pas à un lointain passé, celui des
décolonisations et de la poussée nationalitaire des années 1970. Il est
probablement l’une des expressions les plus affirmées
du retour au premier plan de la question nationalitaire en Europe.
L’automne catalan a de toute évidence permis un
retour sur la « transition démocratique » espagnole[1].
Présentée comme un « grand souffle démocratique » en Europe et un « modèle »
pour l’Amérique du Sud, cette transition ne fut probablement pas aussi
exemplaire comme elle fut abondamment décrite. De fait, cette période entérina
bel et bien les volontés du dictateur, à savoir l’adieu à la République et la
restauration de la monarchie, sans parler de l’amnistie générale des
protagonistes du régime antérieur.
Certes, la Constitution espagnole de 1978 reconnut
les « nationalités historiques » (Catalogne, Galice, Pays basque),
mais ces peuples n’obtinrent pas le statut de « nations » et les
langues ne furent reconnues que sous une forme « co-officielle ».
L’absence de reconnaissance du caractère plurinational de l’État espagnol ne
fut pas compensée par le statut des autonomies. Dans l’euphorie de l’adieu au Caudillo
et de l’entrée dans la phase de démocratisation, agrémentée par la Movida,
les pactes de la Moncloa et les institutions de 1978 furent des compromis
salués comme acceptables. Mais quatre décennies d’exercice plus tard, ces
instituions ont amplement démontré leurs carences. Lors
du mouvement 15-M, au travers du slogan « ¡ Democracia real ya ! », les
Indigné-e-s exprimèrent notamment une sévère critique de ces institutions et l’exigence
de leur révision.
En Catalogne, les limites du statut d’autonomie furent mises à l’épreuve une décennie plus tôt. À partir de 2003, dans un
contexte politique jugé plus favorable, l’occasion fut saisie pour le réviser.
Âprement négocié entre les représentants de l’autonomie et de l’État, un nouveau texte fut
adopté en 2006. C’était sans compter avec les farouches gardiens du cadre
constitutionnel, présumé immuable. La décision du Tribunal constitutionnel du
28 juin 2010 déclencha le début du « procés »
d’autodétermination. Rapidement, ces revendications évoluèrent de l’autonomie
accrue à celles d’indépendance.
Sept années plus tard, le processus a atteint son
paroxysme au cours du second semestre avec la répression étatique contre le
référendum du 1er octobre 2017 et la suspension des institutions
catalanes par le pouvoir central. Au cours de cet automne, le mouvement a
démontré les capacités importantes de résistance, de mobilisation et
d’auto-organisation du peuple catalan, résultant d’une accumulation de forces
depuis 2012. Les élections du 21 décembre, imposées par le gouvernement de
l’État, se sont traduites par une défaite de la stratégie du Partido popular
et du chef de gouvernement, Mariano Rajoy, et par une résistance et
stabilisation des forces politiques indépendantistes, mais elles n’ont rien
résolu compte tenu des blocages imposés par les nationalistes espagnols et la
camisole de force de la Constitution espagnole.
Dans ce dossier, nous avons tenté d’expliquer
la genèse de ce mouvement et ses évolutions. C’est pourquoi nous revenons sur
les origines du catalanisme, sur les institutions de 1978, sur la période du
nationalisme conservateur, sur la phase des gouvernements
« tripartites » et l’adoption du nouveau statut de 2006, sur le procés
de 2010 à 2017 avec un focus sur la phase de juin à décembre 2017 ; nous présentons les
positions en présence des organisations sociales et politiques ; nous
analysons les résultats des élections du 21 décembre 2017 ; nous
réfléchissons sur des hypothèses entre unilatéralisme et bilatéralisme et,
enfin, nous appelons à développer la solidarité avec le peuple catalan .
Rédigé dans la foulée de la séquence récente du
processus, il se veut avant tout un outil pour illustrer, engager et
approfondir la réflexion sur le droit à l’autodétermination des peuples et la
question nationale ou nationalitaire. L’exemple
catalan démontre que la non-reconnaissance des peuples s’affirmant comme nations
nourrit naturellement des velléités de séparation étatique. Au regard de cette actualité,
il importe de revisiter et d’approfondir les notions de « peuple » et
de « nation » car la nation n’est-elle pas une réalité historique en perpétuelle mutation ?
Sommaire
L’automne catalan et le
retour de la question nationale
Bref
historique du catalanisme
Les
institutions de 78
La
domination du nationalisme conservateur : l’ère du «
pujolisme » (1980-2003)
Les
gouvernements « tripartites » et le nouveau statut d’autonomie (2003-2010)
Le « Procés »
(2010-2017)
La séquence
juin-décembre 2017
Les
positions en présence
Analyse
des élections du 21 décembre 2017
Hypothèses
et perspectives : Unilatéralisme / Bilatéralisme
Les
enjeux de la solidarité
Annexes
Carte de visite de la Catalogne
Repères
historiques de la Catalogne
Chronologie
du processus d’autodétermination
Principales
abréviations et organisations sociales, syndicales et
politiques Abréviations
Quelques
échos de la solidarité avec le peuple catalan
Liens
organisations et presse
Liens
articles et communiqués
Bibliographie
Ce
dossier a été rédigé et préparé par François Caussarieu, Armand Creus, Arthur
Leduc, Richard Neuville, Mariana Sanchez, Francis Viguié, Sophie Zafari, membres
de la commission État espagnol.
Il a été coordonné par Richard Neuville.
Janvier
2018
[1] Période qui court de la mort de Franco, le 20 novembre 1975, jusqu’aux
élections démocratiques gagnées par le PSOE le 28 octobre 1982.
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