Dans la phase récente du processus
d'autodétermination de la Catalogne, les Comités de défense du référendum (CDR)
ont été l’une des expressions les plus marquantes de l'auto-organisation. En
effet, ils ont joué un rôle essentiel pour la tenue du référendum dans des
conditions de répression extrême et lors de la grève générale du 3 octobre.
Depuis, ils poursuivent leur activité dans les mobilisations contre la
répression, la présence de « forces d’occupation » et la suspension
probable des institutions catalanes. Ils viennent de créer une coordination
nationale.
Les Comités de défense du référendum ou Comités de défense de la République (CDR) sont des groupes de volontaires qui ont été créés officiellement en septembre 2017 par des associations indépendantistes catalanes dans le but initial de faciliter la réalisation du référendum d’indépendance du 1er octobre (1-O), qui avait été suspendu par le Tribunal constitutionnel espagnol et menacé par le coup de force de l’Etat espagnol le 20 septembre. A Barcelone, ils ont été impulsés par la Candidature d’Unité populaire (CUP), mais ils incluent également des membres d’autres organisations comme la jeunesse du PDeCAT ou des membres de « sensibilité libertaire »[1]. Le découpage territorial s’est effectué sur la base de l’organisation de la CUP et avec un fonctionnement en assemblée.
L’occupation des collèges pour assurer la tenue du référendum
L'objectif initial était de concentrer le maximum
de personnes pour protéger les collèges de manière pacifique par l’occupation afin
que la population puisse voter. Certains s’appellent également « Comités
de défense du quartier » et ils sont particulièrement nombreux à
Barcelone. Dans le reste de la Catalogne, les premiers comités ont vu le jour à
Manresa, Sabadell, Vilafranca, Reus, dans les Terres de l’Ebre à partir du 20
septembre et à l’approche du 1er octobre, ils se sont développés
dans toute la région.
Pour les conseillers municipaux de
Barcelone, membres de la CUP, Maria Rovira i María José Lecha, il s’agissait de
résister à « l’offensive légale face
à l’état d’exception non déclaré », afin que les effectifs de police
envoyés de toute l’Espagne « se
retrouvent face à un peuple pacifique, ferme et convaincu qui entend conquérir
une nouvelle démocratie en rupture avec celle dont elle a hérité de la
monarchie et du franquisme »[2].
Après le 1er octobre, les
Comités ont été à l’origine de manifestations et de protestations spontanées devant
les commissariats et les édifices de justice contre la Police nationale et la
Garde civile. Selon A. Fernandez, ces rassemblements
faisaient partie d’une « planification
millimétrique de la CUP, avec l’assentiment du gouvernement de la Generalitat »[3].
A l’occasion de la grève générale du 3 octobre, certains CDR se sont
reconvertis en Comités de grève « unitaires » avec la participation
de la Confédération générale du travail (CGT), la Confédération nationale du
travail (CNT), la Coordination ouvrière syndicale (COS), Intersyndicale
alternative de Catalogne (IAC)[4],
l’Assemblée nationale catalane (ANC), Òmnium Cultural et la Gauche républicaine
de Catalogne (ERC) [5].
L’auto transformation des CDR est une de leurs principales caractéristiques.
Une phase d’anticipation et un mode d’action non-violent
Les premiers CDR ont commencé à se former
de manière informelle en juillet dernier. Au cours des mois précédents, il y a
eu diverses réunions et négociations pour s’organiser et se coordonner à l’échelle
de Barcelone. Ce travail préparatoire a notamment « permis d’ouvrir certains collèges qui ne l’auraient pas été
nécessairement et de les maintenir ouvert jusqu’à la fin du vote ».
Leur mission est d’impulser les mobilisations de rue qui revendiquent
l’instauration d’une République catalane.
Leur stratégie s’inspire de la méthode de
non-violence du politologue états-unien, Gene Sharp, qui établit des modes de
conduite et des mécanismes aussi bien de manipulation de masse que
d’affrontement avec les structures de l’Etat. Pendant que la Generalitat assume
l’existence d’une « double souveraineté » (en référence aux lois
régionales suspendues par le Tribunal constitutionnel), la « désobéissance
à des lois illégitimes » ou la négation de l’autorité à des fonctionnaires
de l’Etat (comme la résistance à mettre los Mossos, police catalane, sous
l’autorité du chef de la Garde civile), le travail de mobilisation de rue est
réalisé par les CDR.
Une coordination des Comités de défense du référendum
Après la déclaration et la suspension de
l’indépendance par Carles Puigdemont, président de la Generalitat, et
devant la menace de l’application de l’article 155 de la Constitution
espagnole, 90 comités se sont réunis physiquement pour la première fois à
Sabadell le 14 octobre pour coordonner les futures mobilisations et les
stratégies. D’autres comités devraient rejoindre la coordination[6].
Lors de cette réunion, à laquelle 200 personnes ont assisté, il y a eu un
démenti sur le fait que les organisations soient proches de la CUP et le
caractère transversal a été valorisé.
Les CDR ont réaffirmé qu’ils se joindront
aux mobilisations de rue pour défendre la volonté populaire, contre la
répression et le retrait des forces d’occupation de notre territoire.
Helena Vázquez, porte-parole des comités, a
expliqué qu’ils se sont mis d’accord pour que dans le cas d’une suspension de
l’autonomie la semaine prochaine (cette semaine) pour manifester dans la rue :
« Il était nécessaire d’avoir une
coordination et une communication au niveau des comarques et des territoires.
Dans l’hypothèse d’une suspension de l’autonomie la semaine prochaine, dans
l’hypothèse de détentions massives, dans l’hypothèse d’un coup très fort de la
part de l’État, nous devrons occuper la rue. Dans ces cas, il est nécessaire
d’avoir un contact au niveau national »[7].
Elle a
souligné la diversité idéologique : « Il
s’agit d’un espace idéologique très divers, où tout le monde s’y retrouve et
avec la volonté qu’il en soit ainsi. Il faut comprendre que chaque CDR
fonctionne de manière distincte et nous ne pouvons pas dire s’il s’agit du
profil de la CUP ou non ».
Dans le communiqué que la coordination a approuvé,
il est rappelé que la mobilisation se poursuit : « Devant l’imminence de l’application de l’article 155 ou le cas de
détentions, nous continuerons à renforcer l’organisation populaire et d’en bas
nous impulserons et nous nous joindrons aux mobilisations de rue pour défendre
la volonté populaire, contre la répression et le retrait des forces d’occupation
de notre territoire ».
Le niveau d’auto-organisation de la société
civile catalane a atteint un degré élevé et a permis la tenue du référendum
malgré l’intense répression. Dans différents endroits du pays et sans consigne
générale, les CDR, des groupes de personnes se sont coordonnés pour défendre et
garantir l’ouverture des collèges électoraux le 1er octobre. L’ANC,
qui depuis 2012, avait impulsé les mobilisations indépendantistes se coordonne
à présent avec les CDR. Pour Josep Rexach Fumanya, les deux projets ne
s’opposent pas et sont plutôt complémentaires. Les CDR entendent maintenir la
transversalité du mouvement dans lequel cohabitent des membres de partis, des
syndicalistes, des associations de quartier et des entités indépendantistes[8].
Les Comités de défense du référendum pourraient se transformer en Comités pour
la défense de la République mais c’est encore prématuré et la réunion de
Sabadell n’a pas entériné cette nouvelle appellation.
Richard Neuville
18 octobre 2017
[1]Clara Blanchar, «La CUP impulsa grups de
voluntaris per blindar els col·legis electorals». El País, 26-09-2017: https://cat.elpais.com/cat/2017/09/26/catalunya/1506423061_473819.html
[2] Op.cit.
[3] A. Fernandez, “La CUP controla las calles
de Barcelona a través de los CDR, milicias de “autodefensa”, Metrópoli Abierta,
Metropoli Abierta, 03-10-2017 : http://www.metropoliabierta.com/el-pulso-de-la-ciudad/en-la-calle/la-cup-controla-las-calles-de-barcelona-a-traves-de-los-cdr-milicias-de-autodefensa_3191_102.html
[4]
Les syndicats CGT, CNT, COS et IAC avaient appelé officiellement à la grève
générale, tandis que les Commissions ouvrières et l’UGT ont adopté le mot
d’ordre de « Paro de Pais » (Arrêt du Pays) dans le cadre de la Table
pour la démocratie, signée par de nombreuses organisations de la société
civile.
[5]
Op.cit.
[6]
Voir la carte in Josep Rexach Fumanya, « Els
Comitès de Defensa del Referèndum, un nou front de resistència permanent al
carrer”, VilaWeb, 17-10-2017 : https://www.vilaweb.cat/noticies/els-comites-de-defensa-del-referendum-un-nou-front-de-resistencia-permanent-al-carrer/
[7] “Comunicado de los ‘Comitès de
defensa del Referèndum’ de Catalunya”, Kaosenlared, 15-10-2017: http://kaosenlared.net/comunicado-los-comites-defensa-del-referendum-catalunya-castcat/
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