Richard Neuville
Les gouvernements progressistes, élus ces dernières années, en Amérique latine ont en commun de vouloir récupérer leur « souveraineté nationale » afin notamment d’assurer une gestion plus scrupuleuse des ressources naturelles à travers un contrôle renforcé de l’Etat. Certains, optent pour des nationalisations, d’autres, renégocient les contrats d’exploitation pour imposer leurs conditions aux multinationales. Quelle que soit l’option choisie, ils partagent l’idée qu’il est impératif de développer l’exploitation de ces ressources et l’appareil productif pour générer des emplois mais aussi des subsides qui permettront de financer des politiques sociales et ainsi réduire les inégalités. Aussi généreuses soient-elles, ces politiques se situent, de fait, dans une logique productiviste capitaliste qui n’est pas sans conséquence pour l’environnement.
Certes, la production à outrance de soja transgénique en Argentine, au Brésil et au Paraguay génère des devises importantes pour ces pays ; l’installation de deux énormes papeteries en Uruguay au bord de la Plata, concédées à des entreprises finlandaise et espagnole, génère de l’emploi ; l’exploitation de mines à ciel ouvert au Chili et en Bolivie génère également des devises et de l’emploi ; de même que l’exploitation pétrolière au Venezuela et que dire de la déforestation de la forêt amazonienne pour développer les agro carburants, toutes ces productions sont sources de contamination des sols, de l’eau et de l’air et, dans certains cas, destructrices de la biodiversité. Il est donc nécessaire d’interroger ce mode de développement qui repose essentiellement sur une création de richesses en vue d’une meilleure redistribution. La gauche critique européenne - qui suit les évolutions en cours en Amérique latine et à juste raison - n’évoque que très rarement ces questions.
Certes, des pays comme le Venezuela et la Bolivie ont inscrit la préservation de la biodiversité et de l’eau, l’interdiction des OGM et des armes chimiques, biologiques et nucléaires dans leur constitution. Ce n’est pas rien mais ils sont isolés, ils devraient être rejoints prochainement par l’Equateur et peut-être le Paraguay. Il est de plus notable que le changement de climat est devenu une question prégnante qui inquiète beaucoup et l’on peut observer une prise de conscience supérieure à celle que l’on constate en Europe.
S’agissant de la Bolivie, trois questions environnementales ont particulièrement retenu notre attention. Nous les avons choisies car elles sont révélatrices des difficultés et les contradictions dans lesquelles l’Etat bolivien se trouve enfermé.
Tout d’abord, l’ampleur de la déforestation. La forêt représente quarante millions d’hectares et couvre 46 % du territoire national. Ce sont près de 270 000 hectares de forêt amazonienne qui sont abattus chaque année pour développer l’agriculture et l’élevage dans les départements de Santa Cruz, le Beni et le Pando (à l’est du pays) et de la Paz. Dans quelques années, certaines espèces d’arbres comme le Mara et le Coaba vont disparaître en Bolivie, Equateur, Brésil et Pérou. Le gouvernement bolivien a décidé d’enrayer cette hémorragie et de prendre des sanctions très fortes à l’encontre de ceux qui en sont les principaux responsables, les oligarques, mais ne parvient pas - faute d’un Etat trop faible - à contrôler l’ensemble du territoire et particulièrement le bassin amazonien. Pour endiguer le négoce du bois illégal et tenter de préserver la biodiversité, l’Etat a nationalisé de nouvelles réserves forestières qui s’ajoutent aux 20 parcs et réserves naturelles du pays.
Les gouvernements progressistes, élus ces dernières années, en Amérique latine ont en commun de vouloir récupérer leur « souveraineté nationale » afin notamment d’assurer une gestion plus scrupuleuse des ressources naturelles à travers un contrôle renforcé de l’Etat. Certains, optent pour des nationalisations, d’autres, renégocient les contrats d’exploitation pour imposer leurs conditions aux multinationales. Quelle que soit l’option choisie, ils partagent l’idée qu’il est impératif de développer l’exploitation de ces ressources et l’appareil productif pour générer des emplois mais aussi des subsides qui permettront de financer des politiques sociales et ainsi réduire les inégalités. Aussi généreuses soient-elles, ces politiques se situent, de fait, dans une logique productiviste capitaliste qui n’est pas sans conséquence pour l’environnement.
Certes, la production à outrance de soja transgénique en Argentine, au Brésil et au Paraguay génère des devises importantes pour ces pays ; l’installation de deux énormes papeteries en Uruguay au bord de la Plata, concédées à des entreprises finlandaise et espagnole, génère de l’emploi ; l’exploitation de mines à ciel ouvert au Chili et en Bolivie génère également des devises et de l’emploi ; de même que l’exploitation pétrolière au Venezuela et que dire de la déforestation de la forêt amazonienne pour développer les agro carburants, toutes ces productions sont sources de contamination des sols, de l’eau et de l’air et, dans certains cas, destructrices de la biodiversité. Il est donc nécessaire d’interroger ce mode de développement qui repose essentiellement sur une création de richesses en vue d’une meilleure redistribution. La gauche critique européenne - qui suit les évolutions en cours en Amérique latine et à juste raison - n’évoque que très rarement ces questions.
Certes, des pays comme le Venezuela et la Bolivie ont inscrit la préservation de la biodiversité et de l’eau, l’interdiction des OGM et des armes chimiques, biologiques et nucléaires dans leur constitution. Ce n’est pas rien mais ils sont isolés, ils devraient être rejoints prochainement par l’Equateur et peut-être le Paraguay. Il est de plus notable que le changement de climat est devenu une question prégnante qui inquiète beaucoup et l’on peut observer une prise de conscience supérieure à celle que l’on constate en Europe.
S’agissant de la Bolivie, trois questions environnementales ont particulièrement retenu notre attention. Nous les avons choisies car elles sont révélatrices des difficultés et les contradictions dans lesquelles l’Etat bolivien se trouve enfermé.
Tout d’abord, l’ampleur de la déforestation. La forêt représente quarante millions d’hectares et couvre 46 % du territoire national. Ce sont près de 270 000 hectares de forêt amazonienne qui sont abattus chaque année pour développer l’agriculture et l’élevage dans les départements de Santa Cruz, le Beni et le Pando (à l’est du pays) et de la Paz. Dans quelques années, certaines espèces d’arbres comme le Mara et le Coaba vont disparaître en Bolivie, Equateur, Brésil et Pérou. Le gouvernement bolivien a décidé d’enrayer cette hémorragie et de prendre des sanctions très fortes à l’encontre de ceux qui en sont les principaux responsables, les oligarques, mais ne parvient pas - faute d’un Etat trop faible - à contrôler l’ensemble du territoire et particulièrement le bassin amazonien. Pour endiguer le négoce du bois illégal et tenter de préserver la biodiversité, l’Etat a nationalisé de nouvelles réserves forestières qui s’ajoutent aux 20 parcs et réserves naturelles du pays.
Le Brésil a décidé de construire deux barrages gigantesques sur le principal affluent de l’Amazone, le Rio Madera mais à besoin de l’accord de la Bolivie car ils auront des conséquences importantes sur le plan hydraulique de ce pays. Cet affluent occupe la deuxième place au monde pour la richesse de variétés de poissons et de faune d’eau douce et de nombreux scientifiques se sont élevés contre ce projet. Il aura pour conséquence d’inonder à jamais des territoires boliviens et d’entraîner le déplacement de plusieurs milliers d’indiens dans le Beni et le Pando. Avec l’élévation du niveau de l’eau de plusieurs mètres, le processus de sédimentation actif, la présence de mercure dans l’eau, il est plus que probable qu’il y ait une recrudescence de la malaria pour les populations riveraines. Lors de la dernière rencontre entre les présidents Lula et Morales à La Paz le 16 décembre dernier, le brésilien a clairement fait comprendre au second qu’il avait besoin de son soutien face aux manœuvres de la droite et que son gouvernement était tout à fait disposé à aider la pauvre Bolivie en finançant quelques infrastructures. En Amérique latine et, particulièrement pour la Bolivie, l’impérialisme n’est pas que yankee, il revêt également la couleur carioca.
Enfin, la décision du gouvernement bolivien d’accorder la concession de l’exploitation de la mine à ciel ouvert de San Cristóbal au consortium nord-américain / japonais Apex Silver Mines Limited / Sumitomo montre la grande dépendance au Capital pour les investissements et l’exploitation des ressources. Il s’agit du deuxième gisement minier au monde en argent, zinc et plomb. Il est situé au sud-est de la Bolivie dans le département de Potosi, dans la zone de Lípez, non loin du Salar de Uyuni (plus vaste réserve de sel du Monde). Pour exploiter cette mine située à 4 200 mètres d’altitude sur un plateau quasi-désertique, il a fallu créer une infrastructure génératrice d’électricité et une ligne de chemin de fer de 65 kilomètres pour acheminer le minerai au port de Mejillones au Chili, afin de l’exporter en Europe, Australie et en Asie. La concession a été accordée pour 17 années. La multinationale va principalement exploiter le zinc qui génère la plus forte plus value compte tenu des cours mondiaux actuels. Elle emploie désormais deux mille travailleurs. Mais cette exploitation a un coût écologique énorme. En effet, elle consomme quarante mille mètres cubes d’eau par jour qu’il faut bien évidemment acheminer.
Le mode de développement de type productiviste choisi par le nouveau pouvoir bolivien, s’il est créateur net d’emploi et rapporte des devises à l’Etat, contribue également à accroître les risques écologiques. La Bolivie, pays le plus pauvre de l’Amérique du Sud, constamment pillé depuis cinq siècles - s’il a retrouvé une partie de sa souveraineté à travers un contrôle accru de l’Etat sur ses ressources naturelles énormes – n’en reste pas moins très dépendant du Capital et de l’hégémonie impériale de ses voisins. Cette politique a un coût écologique très élevé et affecte davantage un pays qui pourrait être de ceux - d’après les prévisions - qui seront le plus affecté par le changement climatique. Conscient de ces risques, le président Evo Morales ne manque pas de s’interroger et ces déclarations courageuses à l’ONU lors de la dernière assemblée générale ou plus récemment lors du forum indigène indiquent clairement qu’il est convaincu d’agir. Mais en a-t-il les moyens ?
(Mai 2008)
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