M. Colloghan

lundi 18 mars 2013

A Viladamat, le « municipalisme » s’expérimente !

Robert Sabater et Irene Palol (Mairesse) tenant le bureau de vote
Par Richard Neuville

Dans cette petite commune agricole de 450 habitant-e-s de l’Alt-Empordá (Province de Gérone - Catalogne), dirigée par une équipe municipale jeune (âgée de 28 à 35 ans), élue sur la liste Candidatura d'Unitat Popular (CUP), la démocratie ne se limite pas à exercer son droit de vote une fois tous les quatre ans. En place depuis janvier 2011, après avoir battu le Parti socialiste catalan (PSC) et disposant de la majorité absolue, la municipalité a instauré un processus de participation et de consultation populaires pour les investissements. Les commissions municipales ouvertes à toutes et tous permettent d’élaborer des propositions qui sont ensuite débattues en assemblées populaires au niveau du village. En l’absence de consensus, un référendum est organisé.


Le 3 février dernier, il s’agissait du deuxième référendum en deux ans. Les habitant-e-s devaient donc se prononcer sur l’un des trois projets prioritaires, susceptibles d’être financés par la Generalitat de Catalunya (Gouvernement autonome) : 1) la réfection du réseau d’adduction d’eau potable, 2) la réhabilitation du centre historique, 3) la construction d’un nouvel entrepôt municipal et l’aménagement de la Maison des associations. La dernière option l’a emportée légèrement sur la première mais la participation n’a été que de 24 % alors qu’un an plus tôt, 55 % des électeurs des 340 inscrit-e-s avaient voté mais l’enjeu était plus important car il s’agissait d’une révision du plan d’occupation des sols et de requalifier des terres en secteur industriel. Pour certains, la forte tramontane aura dissuadé certain-e-s électeur-trice-s âgé-e-s (majoritaires dans la commune), il est vrai qu’il fallait être courageux pour braver le vent.

Pour Irene Palol, alcadessa (mairesse) : « les décisions importantes qui engagent la commune sur le long terme doivent être prises par la voie de la démocratie directe », c’est tout le sens de ces consultations. Commentant la décision, elle fait remarquer « qu’il est probable que les citoyen-ne-s se soient prononcé-e-s en fonction de la crise, dans la mesure où la première proposition impliquait une participation financière des habitant-e-s ».
Outre les consultations, Robert Sabater, conseiller municipal de Viladamat et membre du Conseil national de la CUP, nous explique qu’ils ont également mis en place un budget participatif et entrepris un débat sur la transition énergétique qui a permis d’envisager un développement de l’éolien (dans cette région où la tramontane souffle fort comme nous avons pu le vérifier). Il ajoute qu’il est nécessaire de « développer la participation et de rompre avec la forme représentative ». Dans la municipalité, « la mairesse se veut avant tout une porte parole municipale » et il précise « qu’ils sont là pour changer les choses, faire un travail politique et pas pour gérer ». Le propos a de quoi surprendre de la part d’édiles mais il s’inscrit pleinement dans la démarche de la CUP, qui se présente comme une organisation municipaliste, anticapitaliste et indépendantiste.

Si la CUP ne gère actuellement que 4 municipalités en Catalogne et ne dispose que de 103 élu-e-s, elle a fortement progressé lors des dernières élections municipales en 2011 en multipliant son audience par cinq. Mais surtout, elle a émergé lors des dernières élections autonomes de Catalogne en obtenant 3 sièges de député-e-s au Parlement régional sous l’étiquette Candidatura d'Unitat Popular - Alternativa d’Esquerres (Alternative de gauche). En effet, le 25 novembre dernier, il s’agissait de sa première participation à une élection régionale car elle avait jusqu’alors privilégié le travail municipal. Lors de cette élection, la CUP a obtenu le soutien de formations de la gauche anticapitaliste, telles que En Lucha, Corriente Roja, Lucha internacionalista et Revolta Global-Esquerra anticapitalista mais surtout, la formation indépendantiste et anticapitaliste est parvenue à fédérer de nombreux mouvements sociaux et des militant-e-s des Indigné-e-s, du collectif de paysans (Pagesos per la Dignitat Rural Catalana), des membres des mouvements Okupas (Occupation de logements et de terres), des centres sociaux autogérés, etc. Au cours de la campagne, la CUP-AE a notamment mis en exergue la « triple crise sociale que vit la Catalogne : politique et institutionnelle, socio-économique et la crise de la démocratie ». Elle a grignoté sensiblement sur l'électorat de l’alliance Iniciativa per Cataluña-Els Verds / Esquerra Unida (coalition très institutionnelle), ainsi que celui d’Esquerra Republicana (gauche républicaine) et elle a su mobiliser des jeunes et des abstentionnistes.

A un an des élections municipales en France, l’exemple de Viladamat pourrait inspirer et faire des émules tant il devient urgent de sortir du régime de démocratie représentative de plus en plus technocratique qui éloigne le citoyen de la décision et d’inventer une articulation avec la  démocratie directe.

Candidatura d'Unitat Popular (Candidature d’Unité Populaire)

Il s’agit d’une organisation politique « asamblearia », municipaliste de gauche et indépendantiste, présente en Catalogne et dans la Communauté de Valence. En partant du niveau municipal, elle a pour objectif la construction des pays catalans (Países catalanes) indépendants, socialistes, écologiquement soutenables, territorialement équilibrés et anti-patriarcaux. Elle se coordonne nationalement autour de l’Assemblée municipale de la gauche indépendantiste, qui définit les axes de travail et idéologiques de ses programmes. Elle œuvre pour l’approfondissement de la démocratie participative, une meilleure égalité sociale et de genre, des politiques de développement soutenable et la promotion du tissu associatif.
Créée officiellement en 1987, la CUP ne présentera des listes que dans quelques municipalités au cours des décennies 80 et 1990. A partir du Processus de Vinaroz (unité du mouvement indépendantiste de gauche), elle acquiert une autre dimension. Entre les élections municipales de 2003 et celles de 2011, elle passe de 22 sièges de conseillers municipaux (obtenus dans la cadre d’alliances) à plus d’une centaine (obtenus à 90 % sur les listes autonomes) et gère 4 municipalités (dont Viladamat).
La CUP a obtenu 126 219 voix, soit 3,48 % lors de l’élection au Parlement catalan de novembre 2012.

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