Au cours de l’une des réunions préparatoires tenue
dans le cadre de la réunion altermondialiste « Firenze 10+10 » en
novembre 2012, des inquiétudes s’étaient exprimées sur la participation à la
prochaine édition du FSM : à l’exception du Maghreb et de l’Europe
(surtout France et Italie), la mobilisation était en deçà des espérances des
équipes organisatrices de Tunisie, du Maghreb et du conseil international du FSM.
Mais les semaines qui ont suivi ont été plus
rassurantes : avec plusieurs dizaines de milliers d’inscriptions de
presque toutes les grandes régions du monde et de tous les continents, 4556
organisations enregistrées (associations, syndicats, journaux et revues, ONG…
etc) et 1782 activités proposées, le FSM de Tunis a pris du volume.
Se confirme
ainsi la réussite du pari d’organiser ce FSM en Tunisie, où l’équipe
organisatrice a su regrouper la grande majorité des réseaux associatifs et
syndicaux, ceux-la mêmes qui ont été partie prenante du processus
révolutionnaire amorcé en Tunisie fin 2010.
Cette préparation s’effectue pourtant dans des conditions rendues encore plus
difficiles par les lourdes menaces qui pèsent depuis plusieurs mois sur ce
processus et dont l’assassinat de Chokri Belaid a été le révélateur.
Ajoutons à cela que les thématiques du FSM de Tunis
reprennent largement celles qui sont débattues par le mouvement
altermondialiste depuis les premières éditions du FSM à Porto-Alegre, du refus
de la marchandisation et de la taxation des transactions financières à la
suppression des paradis fiscaux et juridiques en passant notamment par la
protection sociale universelle, une autre architecture des institutions
internationales ou l’invention d’une démocratie active… mais elles ne s’y
limitent pas.
En effet, des thématiques plus récentes ont aussi
fait leur chemin : un monde sans guerre, la socialisation du secteur
financier, le « buen vivir », les biens communs et les nouvelles
formes de propriété, la déconnexion de la prospérité et de la croissance… etc.
Et s’il est une thématique qui devrait prendre de
l’ampleur, c’est bien la question de la dette qui, au Nord comme au Sud, est le
prétexte aux politiques d’austérité imposées aux peuples et qui sont à la fois
l’un des facteurs explosifs de la crise de l’UE et un élément-clé de
l’offensive capitaliste. Mais un second enjeu s’impose par l’actualité
elle-même : c’est la jonction de toutes ces thématiques altermondialistes
« classiques » d’une certaine manière et de l’apport spécifique des
révolutions arabes en tant que processus à la fois global et différencié, ainsi
que des luttes qui ont suivi.
A quoi s’ajoute une autre jonction qui lui est
corrélée : celle des réseaux militants eux-mêmes, acteurs de ce processus,
jusque-là peu présents dans le mouvement altermondialiste.
Cet enjeu est d’autant plus important que, dans la dynamique de ce processus,
il y a eu de nouvelles mobilisations d’abord dans l’Europe méditerrannénne
toute proche du monde arabe comme celles des Indignados puis dans d’autres
régions du monde (Occupy…etc). Elles-aussi ont été animées par de nouveaux
réseaux citoyens peu liés à l’altermondialisme.
Deux autres enjeux vont sans nul doute marquer cette
édition du FSM.
Il y a d’abord la question posée par le processus en cours des révolutions
arabes. La pression islamiste sur ces sociétés éclaire le défi lancé au
mouvement altermondialiste : sera-t-il capable de s’ouvrir à de nouvelles
composantes pour lesquelles la référence parfois revendiquée à l’islam est
relativisée par le processus de sécularisation (particulièrement en Tunisie),
l’accord sur le fait que la question religieuse est seconde par rapport à la
question sociale et la volonté de participer au mouvement
altermondialiste ?
Car s’il n’y a aucune fatalité à ce que les islamistes
accaparent l’expression politique des peuples à forte majorité musulmane,
encore faut-il que le mouvement altermondialiste -et dans le champ politique,
la gauche alternative- soit en mesure de s’ouvrir et d’intégrer cette nouvelle
donne à ses visées stratégiques.
Et il y aura également, présente à Tunis, une
question d’actualité, particulièrement délicate -et les Alternatifs le savent
bien, à la lumière de leurs récents débats à ce sujet- : l’intervention de
la France au Mali.
En France comme en Europe, cette intervention a été à
juste titre très critiquée, que ce soit dans ses conséquences ou dans son
principe même. Mais dans les réseaux altermondialistes maliens, bien plus
indulgents, il n’en a pas été de même : nul doute que ce débat difficile
ressurgira au cours du FSM, dans des formes et avec une portée que nul ne peut
prévoir à ce jour.
Enfin, et ce pourrait être un cinquième enjeu du FSM
de Tunis : jamais aucune édition du FSM ne s’était tenue aussi près de la
Palestine, et on imagine la ferveur que prendra la manifestation de clôture du
30 mars, en solidarité avec le peuple palestinien !
Bruno Della Sudda pour la délégation des Alternatifs
au FSM
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