Assemblée
générale du 14 février 2015
Intervention
de Richard Neuville
Débat :
Amérique latine et rencontres de l’économie des travailleur-se-s
*
Evolutions en cours au niveau des récupérations d’entreprises par
les travailleurs en Argentine, au Brésil et en Uruguay.
*
Bilan des rencontres européenne, sud-américaine et nord-centre
américaine de l’économie des travailleurs tenues en 2014 et
perspectives pour la rencontre internationale biennale à Punto Fijo
en juillet 2015.
Brève
introduction au débat :
Au
cours de l'année 2014, nous avons publié plusieurs articles sur les
évolutions en cours en termes de récupérations d'entreprises en
Amérique du Sud et les rencontres de l'économie des
travailleur-e-s.
Pour
rappel, on définit une entreprise récupérée par les travailleurs
(ERT), comme « un processus social et économique qui
présuppose l'existence d'une entreprise antérieure, qui
fonctionnait sous le modèle d'une entreprise capitaliste
traditionnelle, dont le processus de faillite, de fermeture ou sa
non-viabilité, a conduit les travailleurs à la lutte pour sa mise
fonctionnement sous des formes autogestionnaires » (Ruggeri :
2005).
Il
ne s'agit pas ici de dresser une présentation exhaustive des
processus mais d'en dégager les éléments saillants. Des liens
renvoyés à des articles plus développés sont indiqués.
Argentine
En
avril, la publication de la 4e enquête du programme « Faculté
ouverte » de l'université de Buenos Aires a confirmé la
poursuite du processus en Argentine.
63
ERT supplémentaires au cours des 3 dernières années et 2 664
emplois préservés, portant ainsi le nombre à 311. Au cours de
l'année 2014, le processus s'est poursuivi avec notamment la
récupération de plusieurs restaurants. Le nombre d'ERT est autour
de 320 aujourd'hui.
Au
cours des dernières années, le processus s'est élargi à d'autres
secteurs d'activité et notamment les services, le secteur industrie
n'est plus dominant.
Le
taux de conflictualité reste élevé et la durée d'occupation a
même légèrement progressé.
Le
soutien du mouvement syndical a fortement progressé, celui-ci a
enfin intégré la pertinence du processus.
Le
fonctionnement assembléiste reste à un taux élevé (plus de la
moitié des ERT ont une assemblée hebdomadaire) et plus des 2/3
restent ouvertes à l'extérieur en menant des activités solidaires
et culturelles en lien avec la communauté.
La
capacité productive demeure inférieure et l'absence de capital, de
matières premières et la difficulté d'insertion sur le marché
restent prégnantes. Pour compenser ces difficultés, les réseaux
par branche professionnelle, à l'image de Red Gráfica, sont
essentielles. La mutualisation permet d'échapper en partie aux
contraintes du marché et à l'auto-exploitation.
Un
peu plus de la moitié maintienne une égalité salariale. 61 % des
ERT reçoivent des aides de l'Etat.
Pour
en savoir plus
-
« Quand les entreprises récupérées s'organisent par branche
professionnelle, l'exemple argentin de « Red Gráfica
cooperativa », Décembre 2014. Consultable sur :
http://www.autogestion.asso.fr/?p=4773
-
"Récupérations d'entreprises en Argentine - Entretien avec
Andrés Ruggeri", publié dans Contre Temps n°22 - Eté 2014,
p.109-113. Consultable sur :
- “Plus de 60 entreprises récupérées par les travailleurs ces
trois dernières années en Argentine”, Avril 2014. Publié in Rouge
et Vert n° 378, p.3-4. Consultable sur :
La
publication du livre “Que sont les entreprises récupérées”
d'Andrés Ruggeri en français fin mars est importante pour aider à
mieux comprendre le processus. Je précise qu'une présentation en
sera faite le 31 mars en présence de l'auteur au Lieu-dit à Paris.
Brésil
Dans
ce pays, le processus de récupération est antérieur à
l'Argentine, il a culminé entre 1993-2003. Il y aurait 145 ERT mais
un peu moins d'actives. Elles concernent un nombre équivalent de
travailleurs. Elles sont concentrées dans les régions industrielles
et 75 % des ERT sont dans l'industrie. Généralement, les processus
de récupération ont été plus courts qu'en Argentine (52 jours
d'occupation en moyenne).
85
% ont adopté le statut coopératif.
Les
2/3 des travailleurs sont associés et l'on ne compte que 23 % de
femmes.
Le
taux de production est légèrement supérieur aux ERT argentines
mais les difficultés d'accès aux marchés, aux matières premières
sont comparables.
84
% des ERT ont procédé à des investissements productifs et 88 % ont
entrepris des transformations dans les modes de gestion des relations
de travail (autonomie, accès à l'information).
Le
fonctionnement des assemblées se situe à un degré moindre de
l'Argentine et la rotation aux postes de responsabilité est plus
faible. Par ailleurs, l'échelle de salaire est de l'ordre de 1 à
4,76.
Comme
en Argentine, les accidents du travail ont fortement baissé, moins
de pression exercée sur le travailleur et diminution du contrôle.
Le
soutien syndical est faible et il y a assez peu de relation avec le
secteur de l'économie solidaire. Il y a un plus grand isolement des
ERT brésiliennes.
Quelques
expériences, à l'image de Flasko, continuent à revendiquer une
nationalisation sous contrôle ouvrier alors que ce débat n'a plus
court en Argentine depuis une dizaine d'années.
Pour
en savoir plus
-
"Récupérations d'entreprises au Brésil - Entretien avec
Vanessa Moreira Sigolo", publié dans Contre Temps n°22 - Eté
2014, p.104-108. Consultable sur :
-
“ Les entreprises récupérées par les travailleurs au Brésil”,
Mai 2014, consultable sur : http://www.autogestion.asso.fr/?p=4354
Version
en castellano publiée in
« El solidario », revista de Solidaridad Obrera.
-
Collectif, « Manifeste « Flaskô, dix ans d’occupation
de l’usine », Mars 2014. Consultable sur :
http://www.autogestion.asso.fr/?p=4090
Uruguay
Deux
articles sont programmés sur le site : l'un relatant une expérience
intéressante d'une compagnie de transport à Colonia del Sacramento
(publication prochaine) et l'autre plus général sur le processus de
récupération dans ce pays.
Selon
les travaux de Pablo Guerra, il y aurait 41 ERT dans ce pays, dont 37
sous statut coopératif. Les entreprises récupérées représentent
environ un dixième ses coopératives du pays. Elles se répartissent
entre l'industrie (agro-alimentaire, textile, cuir, métallurgie,
céramique, imprimerie) et les services (Transport, enseignement,
santé). Elles sont généralement nées de la crise de 2001-2202. Il
existe un mouvement national qui en fédère une moitié des ERT
(L'ANERT), les autres sont organisées avec le mouvement syndical.
Le
taux d'occupation a été en moyenne de 150 jours (intermédiaire
avec l'Argentine et le Brésil). Le processus concerne un peu plus de
1 500 travailleurs.
Contrairement
à l'Argentine et au Brésil, le mouvement syndical (PIT-CNT) est
très impliqué. Par ailleurs, les ERT ont bénéficié d'un soutien
personnel actif de José Mujica qui a publié un décret en septembre
2011 pour la création d'un Fonds spécifique de développement
(FONDES).
Comme
au Brésil, il existe quelques expériences qui mettent en débat la
question du contrôle ouvrier ou qui inscrivent leur intervention
dans un cadre de lutte des classes, à l'image de la compagnie de
Transport de Colonia del Sacramento, ABC cooperativa.
Voir
l'article "ABC Coop : une expérience de gestion ouvrière sous
le signe de la lutte des classes", Février 2015, consultable
sur :
Venezuela
Il
n'existe pas de données précises sur les récupérations
d'entreprises par les travailleur-se-s. La nature du gouvernement a
permis des expérimentations de cogestion puis de contrôle ouvrier
pour les entreprises nationalisées. Ces expériences s'avèrent
complexes et le rôle de l'Etat reste prépondérant, hormis dans
quelques cas comme SIDOR où existent une implantation syndicale
classiste solide. Cette situation renvoie également à la faiblesse
du mouvement ouvrier dans ce pays, bien différente des pays cités
précédemment.
La
Ve rencontre de l'économie des travailleurs à Punto Fijo devrait
permettre de glaner des informations plus précises sur ces
expériences.
Pour
en savoir plus
Sur
le développement des coopératives, je renvoie à un article publié
en septembre sur le site qui retrace les évolutions.
Enfin,
un deuxième lien concernant le rôle de la classe ouvrière dans le
processus bolivarien. Il date de septembre 2010 et devra être
actualisé. Il pointe cependant certaines tendances.
-
« Impact et incidences des politiques publiques dans le
développement coopératif vénézuélien », Août 2014.
Consultable sur :
-
« Venezuela : Dans quelle mesure, les travailleurs contribuent-ils à
l‘approfondissement et à la radicalisation du processus
révolutionnaire ? », Sept. 2010. Consultable sur :
Les
rencontres de l'économie des travailleurs
Depuis
leur origine, ces rencontres sont conçues avant tout comme des
espaces de débat et d‘articulation entre des travailleur-se-s, des
chercheur-se-s et des militant-e-s sociaux et politiques autour des
problématiques qui concernent les luttes des travailleurs et des
travailleuses pour l‘autogestion. Les mouvements de reprise des
entreprises sont non seulement pratiques mais porteurs de théorie.
Il est donc essentiel d‘articuler les pratiques des entreprises
récupérées et les apports des chercheurs. Elles s‘intitulent «
Économie des travailleurs »
pour élargir le mouvement aux multiples formes de luttes du monde du
travail qui pouvaient s‘y agréger. Elles visent également à
contribuer à la construction d’alternatives face à la crise
provoquée par le capitalisme global.
Initiées
par le programme « Faculté ouverte » de la Faculté de philosophie
et de lettres de l‘Université de Buenos Aires (Argentine), les
deux premières éditions s‘étaient tenues en 2007 et 2009 à
Buenos Aires.
En
2011, la 3e
rencontre à Mexico en partenariat avec le Département des relations
sociales de l‘Université autonome métropolitaine et l‘unité
Xochimilco (UAM-X).
Lors
de la 4e édition en juillet 2013, à Paraíba (Brésil), a été
acté le principe de l‘organisation de rencontres régionales entre
deux rencontres mondiales.
La
première rencontre sud-américaine de « L’économie des
travailleur-se-s » s’est tenu les 3 et 4 octobre en
Argentine. Elle s’inscrivait dans le prolongement de son homologue
européenne réunie à Gémenos début 2014.
Elle
précédait celle de la région nord et centre-américaine / Caraïbes
prévue les 7 et 8 novembre prochains à Mexico. L’objectif est
désormais de réussir la convergence de ses trois initiatives
régionales à l’occasion de la prochaine rencontre internationale
biennale qui se déroulera dans l’usine VTELCA (Venezolana de
Telecomunicaciones) à Punto Fijo au Venezuela du 22 au 26 juillet
2015.
La
convocation sera traduite en français sous peu.
Préparation
et mobilisation pour la Ve Rencontre
En
tant que structure co-organisatrice, l'Association pour l'autogestion
a une responsabilité particulière pour contribuer à la réussite
de cette rencontre en oeuvrant notamment à constituer une délégation
européenne significative et en premier lieu française.
Nous
devons contribuer à mobiliser les travailleurs des ERT françaises
(liste à constituer pour des contacts préalables), des
syndicalistes et autres acteurs de l'autogestion.
Afin
que les raisons financières ne soient pas un frein, je suggère que
nous lançions une souscription pour aider à financer des voyages.
Par
ailleurs, l'ApA doit se positionner rapidement sur les axes de débat
pour lesquels elle souhaite intervenir. Compte tenu du nombre
d'organisations, il ne sera pas possible d'intervenir sur plus deux
débats.
Pour
ce faire, il faut adresser un résumé des interventions pour le 15
mai et leur contenu pour le 27 juin en vue d'une publication.
Pour
en savoir plus
-
« L’économie des travailleur-se-s », une rencontre
sud-américaine porteuse de perspectives », Novembre 2014 ;
Consultable sur :
-
"Rencontre européenne « L’économie des travailleurs » dans
l’entreprise Fralib", publié dans Contre Temps n°22 - Eté
2014, p.99-103. Consultable sur :
-
Rencontres « L’économie des travailleurs » : un
essai à transformer", Février 2014. Consultable sur :
http://www.autogestion.asso.fr/?p=3939
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