par
Franck Gaudichaud*,
Patrick Guillaudat
(10 octobre 2012)
Le 7 octobre avaient lieu les élections présidentielles
vénézuéliennes : Hugo Chavez remettait ainsi en jeu son mandat après 14
ans à la tête de la « révolution bolivarienne » qui a contribué à
transformer ce pays sud-américain. En effet, depuis sa victoire
électorale de 1998, celui qui est soutenu avec ferveur par ses millions
de partisans, a impulsé un processus national populaire progressiste,
largement porté par le peuple. La redistribution de la rente pétrolière a
permis la division par deux de la pauvreté dans le pays, tout en
développant des expériences de participation populaire inédites. Le
nouveau gouvernement a également promu avec conviction l’idée d’une
nouvelle unité latino-américaine aux forts accents anti-impérialistes.
L’élection de dimanche avait ainsi un caractère géopolitique évident.
Une défaite du candidat du Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV)
et de ses alliés du Grand Pôle patriotique (dont le Parti communiste)
aurait fortement détérioré les rapports de classes continentaux,
menaçant les conquêtes sociales et démocratiques de la dernière
décennie.
L’impressionnante et festive « marée rouge » qui a envahi les rues de
Caracas le jeudi 4 octobre a constitué une incontestable démonstration
de force du bolivarisme, sous les auspices du slogan : « Chavez, cœur de
la patrie ». Cette ferveur existe grâce aux solides acquis de la
révolution bolivarienne : baisse de la pauvreté, alphabétisation, accès à
la santé gratuite et mise en place de magasins subventionnés dans les
quartiers populaires, gratuité des universités bolivariennes,
nationalisation de secteurs clefs de l’économie et contrôle bancaire,
etc … autant de mesures qui sont loin du discours dominant mondial.
Face à l’hostilité permanente de l’oligarchie et des Etats-Unis, le
processus bolivarien est aussi traversé par de nombreuses
contradictions : bureaucratie galopante, insécurité endémique,
consolidation d’une bourgeoisie bolivarienne, secteur privé largement
dominant, ou encore politique internationale menée au Moyen orient.
L’omniprésence de Hugo Chavez lui-même était aussi en jeu dans ces
élections, alors qu’il est apparu affaibli par un cancer.
Dès lors, l’opposition de droite, portée par la candidature de
Henrique Capriles Radonski, entrepreneur et avocat, a surfé sur les
faiblesses du gouvernement sortant, en tenant un discours de « centre
gauche », affirmant ne pas remettre en cause les mesures sociales en
vigueur. Il a réussi à mobiliser dans des meetings rassemblant des
centaines de milliers de personnes. Mais en réalité, son programme est
une véritable arme de guerre ultralibérale : privatisations,
liquidations des services gratuits, fin du contrôle bancaire, etc. Si
Capriles réussit à rassembler presque 45% d’électeurs, c’est aussi parce
que le camp chaviste ne l’a que peu attaqué sur le contenu, comptant
souvent sur le seul charisme du président pour gagner. Dès lors, en
ajoutant le sur-place du processus depuis près de 5 ans, rien d’étonnant
à ce que Chavez passe de 63% aux dernières présidentielles (2006) à
54,5% en 2012. La polarisation politique est telle que les 4 autres
candidats en lice n’ont eu aucun poids. Orlando Chirino, syndicaliste
révolutionnaire et candidat de PSL (Parti Socialisme et Liberté), reste
enfermé dans une candidature de témoignage avec 0,02% des voix.
Avec cette nouvelle victoire électorale et en vue des élections
régionales (gouverneurs) de décembre, le camp chaviste surmontera-t-il
ces contradictions déterminantes pour le cours politique des 6
prochaines années ? Le défi pour le mouvement ouvrier et les secteurs
radicaux de la gauche bolivarienne reste de construire une dynamique
poussant à l’auto-organisation collective, sans attendre des décisions
venues d’en haut, afin de donner un contenu politique concret aux appels
au « socialisme du XXI siècle ».
* Publié sur Alter autogestion avec l'autorisation de Franck Gaudichaud.
Publié sur le site du CETRI http://www.cetri.be/spip.php?article2785&lang=fr
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