Nous publions ci-dessous la trame de l'intervention de Richard Neuville lors de l'atelier : « Démocratie confisquée, débat usurpé : reprendre un contrôle citoyen » lors de la rencontre de la Convergence citoyenne pour une transition énergétique à Lézan (Cévennes) le 26 août 2011.
Je formulerai quelques remarques liminaires sur la notion de démocratie avant d’évoquer des exemples de participation et de pouvoir populaires.
- Jean-Jacques Rousseau estimait que la souveraineté du peuple ne peut être ni transférée, ni déléguée, ni partagée.
- Dans la critique du déficit démocratique du système parlementaire, André Gorz pointe l’écueil du bureaucratisme qui ne pourra être évité que par un éco-socialisme efficace et réaliste reposant sur des réformes révolutionnaires graduelles. (Ecologie et politique – 1975)
- Il pointe également les limites de la démocratie parlementaire et estime que si : « Le suffrage donne le droit de gouverner, il n’en donne pas le pouvoir ».
- Deux siècles plus tôt, le philosophe Condorcet avait tenté de combiner le principe représentatif avec la démocratie rousseauiste, qui affirme la souveraineté absolue du peuple et refuse de la déléguer à des élus. Il cherchait à concevoir une souveraineté populaire inaltérée sans tomber dans une fragmentation de l’intérêt général qui résulterait de décisions locales sans lien entre elles.
- Hegel pointait également le fait que la représentation politique ne signifie pas que les gens sachent par avance ce qu’ils veulent et chargent leurs représentants de défendre leurs intérêts.
Ne s’agit-il donc pas de tenter de combiner –au moins de manière transitoire - la souveraineté du pouvoir constituant et l’exercice de la délégation.
Qu’en est-il en France s’agissant de la définition de la politique énergétique ?
- Nucléaire : intimement lié à celui du nucléaire militaire résultant des orientations géostratégiques de l’après-guerre avec la création du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) en 1945.
* Plan Messmer en 1974 :
Le débat a été largement confisqué par l’Etat et les ministères de la défense et de l’industrie.
* Le choix du nucléaire est donc lié à celui d’un état fort, autoritaire et centraliste.
* Absence de tout débat démocratique et citoyen sur l’avenir énergétique (y compris au parlement).
Aujourd’hui, la politique énergétique n’est toujours pas débattue, le Grenelle de l’environnement n’a été qu’un subterfuge.
L’attribution des permis : huiles et gaz de schiste résulte de la même logique étatiste.
Les crises climatique et énergétique sur l’avenir de la planète, les décisions pour l'avenir doivent sortir impérativement du giron de la technocratie et transférées provisoirement aux instances élues.
La démocratie représentative est totalement discréditée et se trouve de plus en plus sous l’influence des lobbies.
- Démocratiser radicalement la démocratie : Articulation entre démocratie représentative et démocratie directe, cela passe par la mise en place d’instances de décision citoyenne.
Des expériences de participation et décision citoyennes ont été expérimentées sur d’autres continents : Budget Participatif à Porto Alegre, Conseils communaux et Conseils locaux de l'eau et de l'électricité au Venezuela, formes de participation au Kerala, etc. ou la planification énergétique de la municipalité de Kolding au Danemark (75 % de réduction des émissions de CO2 en 2021).
Les programmes d’autosuffisance énergétique de Marinaleda et Matarredonda (Andalousie) basé sur l’éolien et le solaire.
- Nécessité de mettre en œuvre une planification démocratique, reposant sur des assemblées populaires élues à différents échelons.
Les biens communs universels (l’eau, l’air, la biodiversité) et les biens publics (énergie, transports, télécommunications) devront échapper à toutes formes de marchandisation et être socialisés.
La transformation sociale et politique de la société implique de rompre radicalement avec la gestion aux intérêts privés et la confiscation du pouvoir de décision.
La politique énergétique implique évidemment la remise en cause des modes de production, la sortie de la logique productiviste et la relocalisation d’une partie de l’économie.
Je rappellerai l’histoire de l’électrification rurale en France. A la fin du XIXe, l’Etat ne souhaitait pas s’y engager et ce n’était pas assez rentable pour les entreprises privées.
- En 1900, il admet les régies municipales d’électricité (qui légalise les initiatives communales).
- En 1920, une loi crée les Sociétés d’intérêt collectif Agricole d’électricité (SICAE) pour donner un statut aux coopératives créées spontanément par les fermiers.
- En 1937, 96 % des communes et 90 % de la population ont l’électricité. A méditer sur les capacités citoyennes à pallier parfois aux carences de l’Etat.
En conclusion, il ne s’agit donc pas uniquement de « reprendre un contrôle citoyen » mais de revendiquer et d’imposer un pouvoir de décision citoyen réel, tout en combinant et en multipliant les expérimentations citoyennes, dont il faut en tirer les enseignements. Il est aujourd’hui nécessaire de dépasser la seule référence aux contre-pouvoirs pour élargir le contrôle citoyen et construire des espaces d’autonomie populaires réconciliant ainsi la vie quotidienne et l’action politique. Donc de passer à des formes collectives de résistance à des formes collectives d’organisation.
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