Richard Neuville - article paru dans Rouge et Vert
Les présidents latino-américains ayant entrepris des réformes constitutionnelles dans leur pays ont en commun de remettre en jeu leur mandat après l’adoption des nouvelles constitutions. Ce fut le cas d’Hugo Chávez en 2000 au Venezuela, de Rafael Correa en avril dernier et ce sera le cas d’Evo Morales le 6 décembre prochain.
Une chose est sûre, les présidents - qualifiés de « populistes » par Alexandre Adler et consorts - ne redoutent pas la confrontation avec le suffrage populaire et en sont jusqu’à présent toujours sortis renforcés. En Bolivie, le processus constitutionnel s’est avéré plus compliqué que dans les autres pays, il aura fallu pas moins de trois années pour adopter la Nouvelle Constitution. D’ailleurs en août 2008, alors que l’opposition ne cessait d’entraver le travail constitutionnel par tous les moyens légaux et illégaux, Evo Morales et son équipe avaient été contraints d’organiser un référendum révocatoire (qu’ils avaient remporté avec 60 % des suffrages) pour mener à bien la réforme en cours.
La Nouvelle Constitution adoptée en janvier dernier, c’est donc tout naturellement qu’Evo Morales se représente devant les électeurs. Il affrontera une droite très affaiblie et extrêmement divisée entre ceux qui optent pour la modération et d’autres qui se situent clairement dans le camp de la réaction n’hésitant pas à lancer leurs hordes fascistes pour attaquer les meetings du MAS comme ces derniers jours. Pour la première fois depuis 1952, le Mouvement national révolutionnaire (MNR) ne sera pas présent à ces élections.
Face à Evo Morales, il y aura donc Manfred Reyes Villa, ex-préfet de Cochabamba (destitué en août 2008 et qui s’était illustré dans la répression des mouvements sociaux), allié avec Leopoldo Fernández (toujours emprisonné en tant que responsable du massacre d’indigènes à El Porvenir dans l’Etat du Pando) ; tout comme en 2005 Samuel Doria Medina (Unité Nationale) tentera de représenter une alternative de centre-droit. Les leaders autonomistes du Comité civique du département de Santa-Cruz, représentants des oligarques, qui ont jetés toutes leurs forces dans la bagarre contre la constitution ne seront même pas représentés. Ils sont empêtrés dans des fractions et incapables d’avancer sur des positions programmatiques.
A gauche, Román Loayza, ex-fondateur et dissident du MAS, représentera un Front de gauche qui en a que le nom. Il sera soutenu par Felipe Quispe, leader Aymara qui affronta Evo Morales dans les années 90 pour le contrôle de la Centrale syndicale unifié des travailleurs paysans de Bolivie (CSUTCB).
A trois semaines du scrutin, les sondages laissent augurer une large victoire du MAS. Evo Morales est donné gagnant avec 63 % des voix devant Manfred Reyes (19 %), Samuel Dora Medina (15 %). Fort d'un soutien populaire sans faille, il est donc fort probable que le tandem Evo Morales et Alvaro García Linera (vice-président) pourra poursuivre la « révolution démocratique et culturelle » du pays par la transformation sociale et l’affirmation de l’Etat plurinational.
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