M. Colloghan

samedi 31 octobre 2009

(1) La roue de l’histoire tourne au Venezuela, en Équateur et en Bolivie

Évolution en 2008-2009
Par Éric Toussaint *
I. Cinq éléments du contexte général
Point 1 : Impact de la crise économique mondiale
Le Venezuela, l’Équateur et la Bolivie ont été directement affectés par la crise capitaliste mondiale qui a éclaté à partir de 2007. La très forte chute du prix du pétrole au cours du second semestre 2008 a réduit de manière draconienne les recettes de l’État qui dépendent fortement de l’exportation des hydrocarbures. Dans le cas de l’Équateur, il faut ajouter l’importante réduction des envois des migrants à leur famille d’origine (réduction de 27 % au premier trimestre 2009 par rapport au premier trimestre 2008). Les migrants sont directement touchés par les licenciements massifs dans le secteur de la construction immobilière aux États-Unis et en Espagne (il y a environ 3 millions d’émigrés équatoriens). La Bolivie est également touchée par ce phénomène — réduction de 16 % au cours du premier semestre de 2009 par rapport au premier semestre de 2008 (1) — tandis que le Venezuela n’a pas du tout été affecté dans la mesure où il y a très peu de travailleurs migrants vénézuéliens. La remontée du prix du baril de pétrole à un prix entre 50 et 70 dollars au cours du second et du troisième trimestre 2009 a amélioré la situation, laquelle était de toute façon restée sous contrôle dans la mesure où les trois pays disposent d’importantes réserves de change accumulées entre 2004 et 2008. De ce point de vue, l’Équateur est le moins bien loti des trois, ce qui explique son action résolue pour réduire le service de la dette extérieure (voir plus loin).
Globalement, la crise mondiale a eu des conséquences nettement moins négatives sur ces trois pays que sur ceux qui ont continué à appliquer radicalement des politiques néolibérales au cours des dernières années, comme le Pérou, la Colombie et le Mexique.


Point 2 : Montée de l’agressivité de Washington et de ses alliés dans la région
L’agressivité des États-Unis à l’égard des gouvernements vénézuélien, bolivien et équatorien augmente dans la mesure où ils réagissent à une réduction de leur emprise sur l’ensemble de l’Amérique latine et de la Caraïbe qu’ils attribuent en particulier à Hugo Chávez (et à Cuba, mais de ce côté, ce n’est pas nouveau).
Quelques signes de cette perte de contrôle : lors des négociations qui ont suivi l’agression de l’Équateur par la Colombie le 1er mars 2008 (2), au lieu de recourir à l’Organisation des États américains (OEA) dont les États-Unis font partie, les présidents latino-américains se sont réunis à Santo Domingo sans les grands voisins du Nord dans le cadre du Groupe de Rio et ils ont clairement donné tort à la Colombie, alliée des États-Unis. En 2008, le Honduras, traditionnellement et entièrement subordonné à la politique de Washington, a rejoint Petrocaribe créé à l’initiative du Venezuela afin de fournir aux pays de la région, non exportateurs d’hydrocarbures, du pétrole à un prix inférieur au prix du marché mondial. Le Honduras a également adhéré à l’ALBA, autre initiative d’intégration régionale lancée par le Venezuela et Cuba. En décembre 2008, a eu lieu un important sommet réunissant la plupart des présidents latino-américains à Salvador de Bahia, avec la présence remarquée du chef d’État cubain, Raul Castro, à côté duquel était assis Felipe Calderon, président du Mexique qui, jusqu’à récemment, adoptait une attitude hostile à l’égard de Cuba suivant ainsi les injonctions de Washington. Quelques mois plus tard, l’OEA décidait, malgré l’opposition des États-Unis, de réintégrer Cuba qui en avait été exclu en 1964. En 2009, l’Équateur a rejoint lui aussi l’ALBA et a mis fin à la concession de la base de Manta octroyée à l’armée des États-Unis.
Depuis le début des années 2000, Washington a tenté systématiquement de contrecarrer le tournant à gauche pris par les peuples d’Amérique latine : soutien au coup d’État contre Chávez en avril 2002, soutien financier massif à l’opposition anti-chaviste, soutien à la grève patronale vénézuélienne de décembre 2002 - janvier 2003, intervention active de l’ambassadeur des États-Unis en Bolivie pour empêcher l’élection d’Evo Morales, téléguidage de l’intervention de la Banque mondiale en Équateur en 2005 pour obtenir la démission de Rafael Correa alors ministre de l’Économie et des Finances, organisation de manœuvres militaires conjointes dans le Cône Sud, réactivation de la 4e flotte, très forte augmentation de l’aide militaire à son allié colombien qu’il utilise comme tête de pont dans la région andine. Et pour surmonter l’échec de la Zone de libre échange des Amériques (ZLÉA) de novembre 2005, la négociation et/ou la signature d’un maximum de traités de commerce bilatéraux (Chili, Uruguay, Pérou, Colombie, Nicaragua, République dominicaine, Salvador, Guatemala, Honduras, Costa Rica).
L’agressivité des États-Unis contre la contagion chaviste en Amérique latine est montée d’un cran en juin-juillet 2009 avec le coup d’État militaire au Honduras qui a renversé le président libéral Manuel Zelaya. Le Pentagone n’avait pas digéré le virage à gauche d’un président dont il attendait un comportement docile car, à ses yeux, le Honduras fait partie de ses subordonnés dans la région. En imaginant même, ce qui est hautement improbable, que les généraux honduriens aient agi de leur propre initiative en concertation avec la classe capitaliste locale qui n’acceptait pas la perspective de l’élection au suffrage universel d’une Assemblée constituante voulue par le président Zelaya, il est inconcevable que Roberto Micheletti, le fantoche désigné par ces militaires, puisse rester au pouvoir si les États-Unis s’y opposent réellement. Ceux-ci forment depuis des décennies les généraux honduriens ; ils maintiennent dans le pays une importante base militaire à Soto Cano (avec 500 militaires états-uniens présents en permanence) ; ils ont largement financé l’opposition au président Zelaya, comme l’a reconnu Hillary Clinton après le coup ; leurs transnationales, notamment de l’agrobusiness, sont fortement implantées dans ce pays qu’elles considèrent comme une république bananière.
Afin d’augmenter encore un peu plus la menace contre le Venezuela et l’Équateur, Washington a obtenu du président Alvaro Uribe l’annonce en juillet 2009 de l’octroi aux militaires états-uniens de sept bases colombiennes. Le délai très court qui relie le coup militaire au Honduras à l’annonce du président colombien n’est en rien une coïncidence : Washington indique là très clairement vouloir mettre un coup d’arrêt à l’extension de l’ALBA et tuer dans l’œuf le socialisme du XXIe siècle. Il serait irresponsable de sous-estimer la capacité de nuisance de Washington et la continuité qui marque la politique extérieure des États-Unis malgré l’accession de Barack Obama à la présidence et une rhétorique plus soft. Washington continue à utiliser plusieurs méthodes : le financement massif de différents mouvements d’opposition dans le cadre de sa politique de « renforcement de la démocratie », le lancement de campagnes médiatiques de discrédit à l’égard des gouvernements qui ne partagent pas son orientation (Cuba, Venezuela, Bolivie, Équateur, Nicaragua, le Honduras de Manuel Zelaya…), le soutien aux mouvements séparatistes en Bolivie (la media luna, capitale Santa Cruz), en Équateur (la ville de Guayaquil et sa province) et au Venezuela (l’État pétrolier de Zulia, capitale Maracaïbo), le soutien à des agressions militaires comme celle perpétrée par la Colombie en Équateur en mars 2008 ainsi qu’à des actions de forces paramilitaires colombiennes ou autres au Venezuela.
Il est frappant de constater que l’Union européenne adopte une politique très proche de celle de Washington. Déjà lors du putsch contre Chávez, le 11 avril 2002, l’Union européenne, par la voix de José Maria Aznar, avait apporté son soutien aux putschistes. En août 2009, elle a annoncé qu’elle maintient les accords commerciaux avec le Honduras et qu’elle ne dénoncera pas comme illégales les élections organisées dans ce pays par les putschistes. En matière de négociations et de signatures de traités de libre commerce, l’Union européenne est aussi agressive que les États-Unis quand elle n’exige pas des concessions encore plus importantes que celles accordées par les pays latino-américains à Washington.

Point 3 : Asymétrie du traitement de l’information par les grands médias des pays industrialisés
Il convient de prendre la mesure du danger que constitue l’attitude systématiquement hostile adoptée par l’écrasante majorité des grands médias européens et nord-américains (ainsi que par l’organisation Reporters sans frontières) à l’égard des expériences en cours en Équateur, en Bolivie et au Venezuela. Cette hostilité n’a d’égale que le silence embarrassé et complice à l’égard des putschistes honduriens ou de la répression exercée par l’armée péruvienne contre les Indiens d’Amazonie.
Pour illustrer cette affirmation, quelques faits récents.
- 1) Le 5 juin 2009, l’armée péruvienne a massacré à Bagua plus de 50 Indiens d’Amazonie qui protestaient contre les concessions de terres accordées par le gouvernement d’Alan Garcia aux transnationales étrangères, principalement européennes. Cela n’a pas provoqué la réprobation des grands groupes de presse mondiaux (3). Ceux-ci donnaient alors la priorité quasi exclusive aux protestations en cours en Iran. Non seulement la presse n’a pas réprouvé la répression au Pérou, mais à peine y a-t-elle fait écho. Or, le mécontentement était tel au Pérou que le gouvernement a dû annoncer l’abrogation du décret présidentiel contre lequel les Indiens d’Amazonie étaient entrés en lutte. Encore une fois, la couverture par les médias de ce recul du gouvernement a été quasiment nulle. Posons-nous la question suivante : si une intervention de l’armée vénézuélienne ou équatorienne avait provoqué la mort de dizaines d’Indiens d’Amazonie, quelle aurait été la couverture médiatique ?
- 2) Lorsque le président constitutionnel Manuel Zelaya a été renversé par les militaires le 28 juin, l’écrasante majorité des médias a déclaré, en contradiction totale avec la vérité, que les militaires réagissaient à sa volonté de modifier la Constitution afin de rester au pouvoir. De nombreux médias ajoutaient qu’il suivait en cela l’exemple d’Hugo Chávez, présenté comme un dirigeant populiste autoritaire. En réalité, Manuel Zelaya proposait aux citoyens honduriens de se prononcer en faveur de l’organisation d’élections générales à une Constituante ce qui aurait représenté une réelle avancée démocratique dans ce pays (4). Alors que les mouvements populaires d’opposition aux putschistes ont multiplié grèves et manifestations en juillet, en août et septembre, les grands médias y ont à peine consacré quelques lignes.
- 3) Début août 2009, l’intention des autorités vénézuéliennes de remettre en cause le droit d’émettre de 34 radios et télévisions a trouvé un écho important dans la presse internationale sur le thème : « C’est une preuve de plus de la quasi disparition du droit d’expression et de critique dans ce pays autoritaire ». La manière dont la grande presse traite la situation des médias au Venezuela est unilatéralement hostile aux autorités du pays, alors que 90 % des médias vénézuéliens sont privés et soutiennent, pour la plupart très activement, des campagnes de désinformation. Globovision, une des principales chaînes de télévision privées, a participé activement au coup d’État militaire contre Chávez le 11 avril 2002 (5). Elle a systématiquement menti à la population pendant les événements (6). Or elle n’a jamais fait l’objet d’une interdiction d’émettre. Quel est le grand média européen ou nord-américain qui mentionne ce fait ? Quel grand média européen ou nord-américain informe le public sur le fait que l’écrasante majorité des médias est contrôlée par le secteur privé ? Qu’ils représentent plus de 90 % de l’audimat au niveau télévisuel. Qu’ils attaquent avec une violence extrême le gouvernement présenté comme une dictature et que certains d’entre eux, bien qu’ayant participé activement au coup d’État contre un président constitutionnel, continuent à émettre librement depuis sept ans. Peut-on imaginer que le général De Gaulle n’aurait pas pris des mesures répressives à l’égard d’un journal, d’une radio ou d’une télévision qui aurait soutenu activement le coup de l’OAS au moment de la guerre d’Algérie ? Trouverait-on normal que le gouvernement espagnol ne prenne pas des mesures contre les médias qui auraient soutenu activement en temps réel le colonel Tejero lorsque, à la tête d’un groupe de militaires putschistes, il a menacé d’une arme les députés présents aux Cortes ? (7)
Il faut prendre conscience de l’asymétrie avec laquelle la presse traite des événements et garder dès lors un esprit hautement critique. Le discrédit porté contre Hugo Chávez, Rafael Correa et Evo Morales est tel qu’il prépare l’opinion publique internationale à la passivité au cas où une nouvelle tentative de coup d’État aurait lieu ou à l’approbation de mesures agressives prises par un gouvernement comme celui des États-Unis. Parmi les accusations insidieuses dénuées de fondement, on peut lire dans les journaux espagnols (dont El Pais) que la campagne électorale de Rafael Correa a été financée par les FARC. On peut y lire également que les autorités vénézuéliennes ne combattent pas le narcotrafic.
- 4) Les dépenses d’armement. A lire la presse européenne ou d’Amérique du Nord, on a nettement l’impression que le Venezuela est en train de faire d’importantes dépenses d’armement (notamment auprès de la Russie,) ce qui constituerait une menace pour la paix dans la région. Or si l’on en croit la CIA (8), la situation est toute différente, le de l’Argentine, du Chili (beaucoup moins peuplé que le Venezuela et considéré comme un modèle), budget militaire vénézuélien est le 6e de la région par ordre d’importance, il vient après ceux du Brésil, de la Colombie et du Mexique. En termes relatifs, ramené au produit intérieur brut de chaque pays, le budget militaire vénézuélien vient au 9e rang de l’Amérique latine ! A-t-on pu lire cette information dans la grande presse ? Par contre, on aura pu lire en août 2009 que la Suède demandait des comptes au Venezuela parce que le gouvernement colombien avait dénoncé son voisin une fois de plus comme fournisseur d’armes à la guérilla des FARC. La Suède avait en effet déclaré à la Colombie que des missiles SAAB retrouvés dans un camp des FARC avaient été fournis au Venezuela. Qui a pu lire la réponse détaillée donnée par Hugo Chávez ? Les missiles en question avaient été volés dans un port vénézuélien en 1995, quatre ans avant que Chávez n’accède à la présidence de la République…

Point 4 : les mouvements de gauche peuvent arriver au gouvernement mais ils ne détiennent pas pour autant le pouvoir
Le problème se pose en Équateur avec l’élection de Rafael Correa en 2006, au Venezuela avec celle d’Hugo Chávez en 1998, en Bolivie avec celle d’Evo Morales en 2005… tout comme c’était le cas avec l’élection de Salvador Allende en 1970 au Chili. La question se pose en fait pour n’importe quel mouvement de gauche qui arrive au pouvoir dans une société capitaliste. Quand une coalition électorale ou un parti de gauche arrive au gouvernement, il ne détient pas le pouvoir réel parce que le pouvoir économique est en possession de la classe capitaliste (groupes financiers, industriels, bancaires, grands médias privés, le grand commerce, etc.). Cette classe capitaliste détient le pouvoir économique. De plus, elle contrôle l’État, l’appareil judiciaire, les ministères de l’Économie et des Finances, la banque centrale... En Équateur comme en Bolivie ou au Venezuela, si le gouvernement veut réellement des changements structurels, il doit entrer en conflit avec le pouvoir économique pour pouvoir mettre fin au contrôle de la classe capitaliste sur les moyens de production, de service, de communication et sur l’État. Dans ces pays, le gouvernement est en conflit avec la classe capitaliste mais les changements structurels sur le plan économique n’ont pas encore été réalisés. Le Venezuela, qui est le pays où les changements ont le plus avancé, reste clairement un pays capitaliste (voir plus loin).
Essayons-nous à une comparaison historique. En 1789, quand, grâce à la Révolution, la bourgeoisie a pris le pouvoir politique en France, elle détenait déjà le pouvoir économique. Avant de conquérir le pouvoir politique en 1789, les capitalistes français étaient les créanciers du Roi de France et les propriétaires des principaux leviers du pouvoir économique (la banque, le commerce, les manufactures et une partie des terres). Après la conquête du pouvoir politique, ils ont dominé totalement l’État en en expulsant les représentants des anciennes classes dominantes (noblesse et clergé) ou en les soumettant entièrement. L’État est devenu une machine bien huilée au service de l’accumulation du capital.
A la différence de la classe capitaliste, le peuple n’est pas en mesure de prendre le pouvoir économique s’il n’accède pas au gouvernement. La répétition par le peuple de l’ascension progressive vers le pouvoir qu’ont réalisée les bourgeois dans le cadre de la société féodale ou de petite production marchande est impossible. Le peuple n’accumule pas des richesses matérielles à grande échelle, il ne dirige pas les entreprises industrielles, les banques, le grand commerce et les autres services. C’est à partir du pouvoir politique que le peuple peut entreprendre les transformations au niveau de la structure économique et commencer la construction d’un nouveau type d’État basé sur l’autogestion.
C’est pourquoi il est fondamental de mettre en place une relation interactive entre un gouvernement de gauche et le peuple. Ce dernier doit renforcer son niveau d’auto-organisation et construire d’en bas des structures de pouvoir populaire. Cette relation interactive, dialectique, peut devenir conflictuelle si le gouvernement hésite à prendre les mesures que réclame la « base ». La pression de celle-ci est vitale pour convaincre un gouvernement de gauche d’approfondir le processus des changements structurels qui implique une redistribution radicale de la richesse en faveur de celles et ceux qui la produisent. Pour cela, il s’agit de mettre fin à la propriété capitaliste des grands moyens de production, de service, de commerce et de communication, en transférant ceux-ci vers le secteur public et en développant ou en renforçant d’autres formes de propriété à fonction sociale : la petite propriété privée (notamment dans l’agriculture, la petite industrie, le commerce, les services), la propriété coopérative, la propriété collective et les formes de propriétés traditionnelles des peuples originaires (qui contiennent généralement un haut degré de propriété collective).

Point 5. La classe capitaliste livre de véritables batailles rangées contre les gouvernements du Venezuela et de Bolivie. En Équateur, la situation est un peu moins tendue.
Le Venezuela et la Bolivie connaissent de véritables batailles entre la gauche au gouvernement et la droite qui, bien qu’étant dans l’opposition, détient le pouvoir économique et médiatique (sans compter les puissants appuis qu’elle compte dans l’appareil d’État — les ministères, la justice, une partie de l’armée — et dans la hiérarchie des Églises, catholique surtout, et protestante). La situation est comparable en Équateur, même si les tensions très fortes n’ont pas pris (jusqu’ici ?) la forme de véritables batailles rangées. Peut-être parce que Rafael Correa a fait une place dans son gouvernement à des défenseurs des intérêts du grand capital. Cette hypothèse est à vérifier.
- Au Venezuela, les batailles les plus agressives livrées par la droite ont commencé après trois ans de gouvernement Chávez, c’est-à-dire début 2002. Cela a pris la forme d’affrontements majeurs comme le coup d’État d’avril 2002, la grève patronale de décembre 2002-janvier 2003, l’occupation de la place Altamira à Caracas par des généraux séditieux et des dirigeants de l’opposition politique. Elles ont commencé à fortement baisser d’intensité après août 2004 grâce à la victoire du non au référendum révocatoire du président Chávez (9). Depuis lors, la droite cherche des occasions pour reprendre l’initiative mais sa capacité de mobilisation a été fortement réduite.
- En Bolivie, la droite a livré de véritables batailles en 2007 et en 2008 après moins de deux ans de gouvernement Morales. Elle a utilisé la violence à plusieurs reprises et choisi une stratégie de batailles frontales en 2008 (voir plus loin). La victoire d’Evo Morales au référendum révocatoire d’août 2008 avec 67,43 % des voix (10) n’a pas entraîné une réduction de la violence de la droite. Au contraire, cette violence est allée crescendo pendant plusieurs semaines après son échec au référendum, notamment parce qu’elle se sentait capable de réunir une majorité dans plusieurs provinces-clés de l’Est du pays. La réaction très forte du gouvernement et la mobilisation populaire face au massacre de partisans d’Evo Morales dans la province de Pando (combinée à la condamnation internationale notamment de la part de l’UNASUR qui s’est réunie de manière extraordinaire en septembre 2008 pour apporter son soutien au gouvernement d’Evo Morales) ont fini par provoquer un armistice (provisoire). Après un an de boycott, la droite s’est engagée à accepter l’organisation du référendum sur la nouvelle Constitution. Cela a débouché sur une nouvelle victoire pour Evo Morales fin janvier 2009 : la nouvelle Constitution a été approuvée par 62 % des votants. Les affrontements qui ont eu lieu en Bolivie en 2008 sont analysés plus loin dans cet article.

Septembre 2009 - Article paru dans Inprecor
* Éric Toussaint, président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM), est membre du Comité international de la IVe Internationale et militant de sa section belge (LCR-SAP). Il a publié récemment, entre autres, « Banque du Sud et nouvelle crise internationale », Liège-Paris 2008 et, avec Damien Millet, « 60 Questions 60 Réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale », Liège-Paris 2008.

1. http://www.derechoshumanosbolivia.org/noticia.php?cod_noticia=NO20090906140635
2. L’Armée colombienne a bombardé et a capturé des éléments d’un camp de la guérilla des FARC en territoire équatorien, faisant une vingtaine de morts, dont des civils. Il faut savoir que l’armée colombienne, pourtant extrêmement forte, est très peu présente sur la frontière Colombie-Équateur, ce qui permet à la guérilla des FARC d’y installer certains camps dont celui où se trouvait, à cette époque, un de ses principaux dirigeants, Raul Reyes, responsable des relations internationales. Le gouvernement colombien, entièrement couvert par les États-Unis, a utilisé les méthodes appliquées systématiquement par l’armée israélienne à l’égard de ses voisins : y mener des opérations militaires au mépris de leur souveraineté. L’Équateur a régulièrement reproché à la Colombie de ne pas assurer un contrôle adéquat de la frontière commune entre les deux pays.
3. Voir http://www.cadtm.org/Le-CADTM-est-pleinement-solidaire et http://www.cadtm.org/Perou-le-massacre-de-Bagua
4.Voir Cécile Lamarque et Jérome Duval, « Honduras : Pourquoi le coup d’État ?», 17 septembre 2009, www.cadtm.org/Honduras-Pourquoi-le-coup-d-État
5. Un reportage réalisé par Globovision a fait le tour du monde le 11 avril 2002 et dans les jours qui suivirent le coup militaire. Il s’agit d’un montage qui falsifie la réalité. On y voit des civils présentés comme chavistes en train de tirer au pistolet à partir d’un pont dans une direction qui n’est pas identifiable. La voix off du journaliste de Globovision affirme que les chavistes sont en train d’abattre des manifestants d’opposition qui défilent pacifiquement dans la rue passant en dessous du pont. Le parquet vénézuélien a pu reconstituer le déroulement exact des faits à partir de l’analyse des reportages et des différentes photos prises par des particuliers le 11 avril 2002. En fait, les militants chavistes qui, selon Globovision, tiraient sur des manifestants répondaient en réalité à des tirs provenant d’un blindé de la police métropolitaine alliée aux putschistes. Les manifestants d’opposition n’étaient plus dans la rue vers laquelle tiraient les chavistes au moment des faits. Plusieurs sources ont pu démontrer sans équivoque possible que les putschistes avaient programmé l’assassinat de manifestants anti-chavistes en attribuant ces crimes à Chávez pour justifier leur coup. Le 11 avril 2008, les téléspectateurs vénézuéliens ont pu revoir les images de la conférence de presse donnée par les militaires putschistes à un moment où aucun manifestant n’avait encore été tué. Or, ces militaires y affirmaient qu’ils prenaient le pouvoir suite aux assassinats réalisés par les chavistes, ce qui corrobore clairement la thèse selon laquelle ils avaient délibérément planifié ces assassinats pour justifier leur action séditieuse. Au cours des deux jours qui suivirent le coup d’État, les 12 et 13 avril 2002, alors que des centaines de milliers de personnes non armées encerclaient les casernes putschistes pour réclamer le retour d’Hugo Chávez emprisonné, Globovision n’a diffusé aucune image de ces protestations, elle expliquait que le calme était revenu dans le pays et que Hugo Chávez avait donné sa démission et était en route vers Cuba. Au cours des dernières heures du putsch, cette chaîne se contentait de diffuser des dessins animés et des émissions de variété. Globovision s’est donc fait complice des putschistes à plusieurs moments clé, ce qui a amené les associations de parents des victimes et les survivants blessés à exiger une condamnation de la chaîne. Ce à quoi le gouvernement chaviste s’est jusqu’ici refusé afin d’éviter que la campagne internationale menée contre lui ne monte subitement de plusieurs crans. Plusieurs associations de défense des droits humains sont d’ailleurs mécontentes de cette attitude passive de la part des autorités vénézuéliennes.
6. Il est intéressant de mentionner à ce propos l’initiative prise par le gouvernement d’Hugo Chávez le 11 avril 2008 — six ans après le coup d’État. Le gouvernement a utilisé son droit de passage sur les antennes privées et publiques pour faire rediffuser l’intégralité du reportage réalisé par les chaînes privées anti-chavistes (Globovision, RCTV...) de la séance officielle d’intronisation du président et du gouvernement putschiste dans un des salons du palais présidentiel Miraflores. Le programme auquel tous les spectateurs vénézuéliens ont pu assister le 11 avril 2002, a donc été rediffusé sans aucune coupure et sans aucun commentaire critique de la part du gouvernement chaviste. Celui-ci a compté sur l’esprit critique de la société vénézuélienne pour qu’elle se fasse elle-même une opinion sur la complicité active des médias privés avec les responsables du coup parmi lesquels on a pu reconnaître les principales autorités de l’Église catholique, les chefs militaires factieux, le dirigeant du syndicat jaune CTV (Centrale des Travailleurs du Venezuela), les dirigeants d’entreprises privées et le président de la Fédération patronale vénézuélienne (Fedecamaras), Pedro Carmona. A noter que ce président qui a occupé le pouvoir pendant à peine environ 36 heures est aujourd’hui affublé communément du sobriquet « Pepe el breve » (Pépin le Bref).
7. Le 23 février 1981, à la chambre haute du Parlement, a eu lieu une tentative de Coup d’État organisée par des secteurs franquistes. Le colonel Tejero qui la dirigeait, a menacé d’une arme les députés et les a pris en otage au moment de l’investiture du nouveau président de gouvernement.
8. Voir https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/index.html, consulté en mars 2009
9. Le référendum révocatoire a constitué une véritable défaite politique pour la droite puisque Chávez a été plébiscité avec 59,1 % de suffrages en sa faveur (5 800 629 voix), soit 1 810 000 voix de plus que ceux qui se sont exprimés pour sa révocation http://es.wikipedia.org/wiki/Refer%C3%A9ndum_presidencial_de_Venezuela_de_2004
10. http://es.wikipedia.org/wiki/Refer%C3%A9ndum_revocatorio_de_Bolivia_de_2008 et
 http://www.nodo50.org/plataformabolivariana/Externos/ResultadosRefRevBolivia.pdf

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