M. Colloghan

jeudi 12 novembre 2015

Un volcan d’émancipations en construction



Richard Neuville

Ce texte est l’introduction du chapitre « Amérique indo-afro-latine » (p. 92 à 414) de l’Encyclopédie internationale de l’autogestion, Syllepse / Association pour l’autogestion, novembre 2015, 2 368 p.
http://alterautogestion.blogspot.fr/2015/11/parution-imminente-de-lencyclopedie.html

L’Amérique indo-afro-latine a longtemps été un terreau fertile pour les expériences révolutionnaires. Depuis une vingtaine d’années, en réaction aux ravages des politiques néolibérales résultant du consensus de Washington, elle est probablement devenue le principal foyer de résistance à la mondialisation capitaliste et à l’hégémonie de l’Empire. La richesse et la diversité de ces expériences permettent de qualifier le sous-continent de véritable laboratoire social. Elle apparaît comme une « zone de tempêtes » du système-monde capitaliste (Gaudichaud, 2013).

En janvier 1994, l’insurrection zapatiste contre l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange nord-américain (Alena) montre la voie de la résistance contre les institutions internationales. Elle est suivie une décennie plus tard par la mobilisation continentale contre l’accord de libre-échange des Amériques (ALCA) et sa mise en échec lors du sommet de Mar del Plata en novembre 2005. La campagne « 500 ans de résistance » à l’occasion du cinquième centenaire de la colonisation espagnole en 1992 marque l’émergence des mouvements indigènes contre la domination impériale et oligarchique. Elle est probablement un des événements les plus décisifs dans l’Amérique latine contemporaine. Dès lors, en Équateur puis en Bolivie et plus largement au niveau régional, les mouvements indigènes s’affirment de plus en plus comme de véritables acteurs sociaux et politiques.

L’Amérique latine est également, à bien des égards, un lieu d’innovation politique et social. La résistance au modèle de domination se traduit sous deux formes : d’un côté, par l’élection de nouveaux dirigeants qui se situent plus ou moins en rupture avec le dogme libéral et qui remettent en cause les institutions en place et la démocratie formelle ; de l’autre, par le renforcement de mouvements sociaux qui réactualisent notamment la question de l’appropriation sociale. Loin d’être opposables, ces deux formes sont parfois complémentaires, même si les liens se sont distendus ces dernières années. En effet, dans plusieurs pays, l’accumulation de forces des mouvements sociaux a permis des changements de gouvernements ou d’exercer une pression sur les pouvoirs en place.

À peine élus, les dirigeants du Venezuela, de la Bolivie et de l’Équateur convoquent des assemblées constituantes pour changer leur constitution respective et réformer fondamentalement les institutions en instaurant formellement la démocratie participative. Ils ont été précédés en cela par la gauche du Parti des travailleurs brésiliens qui a innové au niveau de la démocratie locale en initiant le budget participatif 1 dans la ville de Porto Alegre en 1990 puis dans l’État du Rio Grande do Sul en 1999. Cette expérience a connu un retentissement mondial, ce qui conduira tout naturellement à désigner la ville de Porto Alegre comme siège du premier Forum social mondial (FSM) en 2001.

Les expériences continentales impulsées par les mouvements sociaux sont diverses. Les formes d’organisation que sont le Mouvement des paysannes sans-terres (MST) au Brésil, la Confédération des mouvements indigènes (CONAIE) en Équateur, les piqueteros (mouvements des sans travail), les mouvements de récupération des entreprises en Argentine et en Uruguay, les mouvements des travailleurs sans toit brésilien et uruguayen, les caracoles (Conseils de bon gouvernement) au Chiapas, la Marche mondiale des femmes se situent bien souvent en rupture avec les formes de luttes traditionnelles du mouvement ouvrier. Ces mouvements sont les lieux d’élaboration et de mise en œuvre de nouvelles pratiques sociales qui privilégient la démocratie active ou directe et l’émancipation. C’est probablement en Amérique latine que le mouvement altermondialiste a été le plus influent. Indubitablement, il a contribué à rompre avec la logique de la doctrine Monroe (1823), de sortir des cloisonnements nationaux et à permettre une articulation continentale des mouvements sociaux en ce début du 21e siècle (Algranati, Taddei, Soane, 2011).

Si au cours de son histoire récente, le sous-continent s’est révélé être un ferment d’expérimentations d’inspiration autogestionnaire, il serait réducteur de limiter la richesse des expériences aux deux dernières décennies. En effet, l’histoire du mouvement ouvrier latino-américain est parsemée de luttes qui ont posé la question de l’appropriation sociale et pratiqué des formes d’auto-organisation : de l’influence exercée par les émigrants anarchistes européens dans la conduite des luttes sociales et sur le coopérativisme dans le Cône sud (1890-1930) (Ferrer, 2004) aux expériences péruvienne et chilienne sous les gouvernements de Juan Velasco Alvarado et Salvador Allende au début des années 1970 (Raptis, 1973 ; Gaudichaud, 2013), en passant par les quatre mille tomas de fábricas en Argentine en 1964 (Mandel, 1973 ; Moreno, 2005), le cordobazo en Argentine (1969) et l’Assemblée populaire en Bolivie (1971) (Lavaud, 1977), il existe une multitude d’« éclairs autogestionnaires » (Iturraspe, 1986). Mais une césure profonde s’est opérée avec la « nuit noire » des dictatures dans le Cône sud (1964-1989) qui a annihilé toute tentative émancipatrice au cours de ces années.

Pour cet ouvrage, compte tenu de la multiplicité des expériences, de leurs impacts et leurs répercussions dans cette région, et plus globalement dans le monde, nous avions l’embarras du choix. C’est donc tout naturellement que nous attribuons une place non négligeable à l’Amérique indo-afro-latine. Bien évidemment, nous avons dû opérer des choix drastiques, ce qui implique des manques et des limites. Plutôt que de reprendre des expériences passées, nous privilégions des expériences en cours qui revendiquent la transformation du système car pour nous l’autogestion n’est pas une utopie dépassée ou un effet de mode. Le seul détour historique concerne le rôle des cordons industriels et du Poder popular au Chili à l’époque de l’Unité populaire présidée par Salvador Allende, qui a été largement occulté par les ouvrages relatant l’histoire de l’Unité populaire, à l’exception notable des travaux de
Franck Gaudichaud (Gaudichaud, 2013). De cette période, sont nés, d’une part, un exemple unique de construction et de conception d’une cité bâtie intégralement par ses habitants, la communauté urbaine autogérée, Villa El Salvador au Pérou (Favreau, 2008) et, d’autre part, la Fédération des coopératives de logement d’usagers par aide mutuelle (Fucvam), un mouvement populaire autonome, principale organisation sociale uruguayenne dans le champ du logement populaire et du développement urbain (Neuville, 2013), qui ont su traverser le temps en préservant leurs valeurs originelles.

Nous avons donc tenté de distinguer différentes formes de pratiques et aspects autogestionnaires contemporains : socialisation et tentatives de contrôle de l’économie, économie féministe « décoloniale », formes de participation aux institutions, concepts de plurinationalité et indianisme, exercices du pouvoir populaire et d’anti-pouvoir, occupations urbaines. S’il existe des entreprises récupérées dans plusieurs pays comme au Brésil, au Mexique et au Venezuela, c’est le mouvement argentin et, à un degré moindre uruguayen, qui est de notre point de vue exemplaire de par son ampleur, son ancrage et sa vitalité. Il s’inscrit également dans un processus historique et puise largement dans la conscience profonde du mouvement ouvrier de ce pays (Ruggeri, 2015).

Le budget participatif mis en œuvre à Porto Alegre a permis de rénover une démocratie représentative largement discréditée et de remettre le peuple au cœur du processus de décisions. En articulant les formes délégataire et directe, il a ouvert la perspective de la « démocratie active ». Son impact mondial « nous conforte que c’est l’une des voies de reconstruction d’un projet socialiste » (Pont, 2007). Le dernier gouvernement de l’État du Rio Grande do Sul (2011-2015) a poursuivi l’innovation démocratique avec le recours aux nouvelles technologies de communication pour renforcer le « pouvoir populaire et citoyen ».

Dans un contexte de fortes turbulences politiques et de déceptions, le Brésil demeure un lieu de résistances à travers les luttes urbaines, acampamento à Fortaleza avec la Commune du 17 avril2 (Bajard et Terrié, 2013), à Porto Alegre (Neuville, 2012) ou celles de juin 2013 pour la revendication de services publics.

L’émergence du mouvement indigène, et particulièrement andin, a été décisive dans les changements opérés en Équateur mais surtout en Bolivie. Elle a révélé une véritable philosophie de vie à vocation universelle avec le concept de « Buen vivir », qui se caractérise par le « vivre ensemble en harmonie avec la nature » (Acosta, 2014). L’indianisme, bien distinct de l’indigénisme, a permis de combattre le modèle de domination impériale « eurocentrique » et les discriminations des États-nations en remettant en cause la « colonialité du pouvoir » (Quijano, 2014). Il réaffirme des identités tout en conceptualisant l’« unité dans la diversité » comme en Bolivie où l’accumulation de forces en résistance au modèle néolibéral a contribué à l’élection d’Evo Morales et a instauré une nouvelle conception du pouvoir. Le Mouvement vers le socialisme (MAS) se définit comme un « parti-mouvement » et une fédération de mouvements sociaux. Cet « instrument politique atypique » a retenu toute notre attention malgré des limites observées dans son fonctionnement.

L’Assemblée populaire des peuples de Oaxaca (APPO) a concentré l’essentiel des paramètres d’une démocratie radicale et directe, de l’autogestion, de l’autonomie des sujets et des collectifs sociaux. Le répertoire d’actions et les traditions politiques en jeu ont permis l’émergence d’un nouveau collectif social dans un pari radical et alternatif au système hégémonique, la Commune de Oaxaca (Almeyra, 2010).

Après son irruption en 1994, le mouvement zapatiste a été capable d’actualiser à partir de 2003 « les temporalités d’un passé commun sans cesser de se référer aux temporalités nationales et mondiales de luttes pour la justice, la démocratie et la liberté ». C’est probablement l’expérience d’autonomie la plus remarquable.

La classe ouvrière mexicaine n’est pas restée en dehors du phénomène de récupération d’entreprises, citons deux longues luttes emblématiques qui, à vingt ans d’intervalle, ont débouché sur des expériences numériquement importantes : la Société coopérative des travailleurs Pascual (Sociedad Cooperativa de Trabajadores Pascual) et la Cooperativa trabajadores democráticos de Occidente (Tradoc). La première a été créée aux milieux des années 1980 à Mexico et produit des jus et boissons à base de fruits. Pascual, qui génère environ 5 000 emplois directs, s’approvisionne en sucre auprès d’une coopérative agro-industrielle et en fruits auprès d’ejidatarios (terres exploitées en commun) au travers de contrats de production (Maranón-Pimentel, 2007). Exemple d’autogestion remarquable, elle manifeste également une solidarité active avec de nombreux mouvements sociaux du pays. La seconde est une lutte victorieuse de 1 141 jours contre la multinationale du pneu Continental Tire qui a abouti à la reprise de la production depuis 2005.

Enfin, le « processus révolutionnaire » vénézuélien, en crise profonde (Lander, 2014), est traité sous l’angle de la participation populaire dans la mise en œuvre des Missions sociales, le développement endogène de l’économie sociale, le mouvement coopératif, le contrôle ouvrier et les conseils communaux. Autant de mesures qui ont parsemé les premières années du processus, censées conduire au socialisme du 21e siècle…

Dans la période récente, en réaction au modèle « néodéveloppementiste » généralisé et dans un contexte de crise écologique et climatique, la centralité des luttes s’est déplacée vers la défense des biens communs naturels. Dans cette conjoncture, les mouvements sociaux sont confrontés à de nouveaux défis stratégiques face au nouvel ordre capitaliste et les politiques extractivistes mises en œuvre par les gouvernements progressistes (Swampa y Viale, 2014), engagés dans une nouvelle phase d’« accumulation par dépossession » (selon l’expression de David Harvey). De Santiago à Mexico (pour l’éducation) en passant par São Paulo (pour les transports), la région n’a pas été épargnée par les mouvements de révolte citoyens, à l’instar de ceux qui ont surgi à partir de 2010 aux quatre coins de la planète pour dénoncer la corruption politique, les élites financières et la connivence entre le monde politique et financier et le capitalisme (Castells, 2012).

En Amérique indo-afro-latine, les mouvements sociaux ont rénové profondément la notion d’autonomie et la pratique émancipatrice. Ces pratiques de gestion communautaire ont suscité pas mal de débats sur la valorisation de l’autonomie et ont donné lieu à l’expression et à la conceptualisation du contre-pouvoir (Hardt et Negri, 2000), de l’anti-pouvoir (Holloway, 2002) et du pouvoir populaire comme faisant partie d’une stratégie de contrôle de l’État avec les changements politiques (Borón, 2001), y compris par des tentatives de double pouvoir.

La diversité des expériences en cours démontre amplement la richesse des pratiques émancipatrices à l’œuvre sur le sous-continent latino-américain. Elles expriment des rapports différenciés au pouvoir. Certaines, valorisent l’autonomie, la démocratie directe et l’appropriation spatiale ; d’autres, développent des pratiques collectives innovantes mais posent également des revendications programmatiques et interpellent donc les pouvoirs constitués, ils constituent plus classiquement des mouvements de contre-pouvoir. Enfin, certaines expériences de participation initiées par les gouvernements peuvent contribuer à l’exercice d’un pouvoir populaire. Dans leur diversité, les mouvements sociaux interrogent clairement la question de la démocratie dans ces aspects économique, politique et social, que ce soit au travers du contrôle et la gestion directe de la production, la participation active aux instances de décision ou l’auto-organisation et l’autonomie. En cela, avec des nuances, ils peuvent être catégorisés comme mouvements autogestionnaires (Neuville, 2012).

L’Amérique indo-afro-latine est en mouvement perpétuel, elle est un « volcan » (Gaudichaud, 2008) où se réalise une multitude d’expériences, sources d’« émancipation en construction » (Gaudichaud, 2013). L’accumulation de forces et d’expériences reste un atout indéniable pour poursuivre sur la voie esquissée ces deux dernières décennies. À l’image des entreprises récupérées par les travailleurs en Argentine, les « éclairs autogestionnaires » d’hier n’auraient-ils pas fait place à des expérimentations durables ?

Richard Neuville
juin 2015


Pour en savoir plus
Acosta, Alberto (2014), Le Buen vivir, Paris, Utopia.
Algranati, Clara, Taddei, Emilio, Seoane, José (2011), « América latina : Balance de una década de luchas y cambios », CETRI, décembre.
Almeyra, Guillermo (2007), « Révolution, pouvoir, liberté : l’expérience de l’APPO (Oaxaca) », communication au congrès Marx International V, 3-6 octobre, La Sorbonne/Paris 10-Nanterre.
Bajard, Flora et Julien Terrié (2013), « Brésil : La Commune du 17 avril » dans Amériques latines : Émancipations en construction, Paris, Syllepse, www.syllepse.net/lng_FR_srub_98_iprod_560-ameriques-latines-emancipations-en-construction.html  .
Boron, Atilio, (2001) « La selva y la polis. Reflexiones en torno a una teoría política del zapatismo », Buenos Aires, dans Osal/Clacso, nº 4, juin.
Castells, Manuel (2012), Redes de Indignación y Esperanza, Madrid, Alianza.
Favreau, Louis (2008), « Villa el Salvador : économie solidaire, développement local et coproduction de services dans un bidonville », dans Duchatell, Julie et Rochat, Florian, Produire de la richesse autrement, Genève, CETIM.
Ferrer, Christian (2004), Cabezas de tormenta, Buenos Aires, Anacarres.
Gaudichaud, Franck (dir.) (2008), Le volcan latino-américain : Gauches, mouvements sociaux et néolibéralisme en Amérique latine, Paris, Textuel.
Gaudichaud, Franck (2013), Chili 1970-1973 : Mille jours qui ébranlèrent le monde, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
Gaudichaud, Franck (coord.) (2013), Amériques latines : Émancipations en construction, Paris, Syllepse,
Gaudichaud, Franck (2013), Venceremos ! Analyses et documents sur le pouvoir populaire au Chili (1970-1973), Paris, Syllepse, www.syllepse.net/lng_FR_srub_74_iprod_580-venceremos-.html  .
Hardt, Michael et Antonio Negri (2000), Empire, Paris, Exils.
Holloway, John (2008), Changer le monde sans prendre le pouvoir, Paris/Montréal, Syllepse/Lux, www.syllepse.net/lng_FR_srub_76_iprod_362-changer-le-monde-sans-prendre-le-pouvoir.html .
Iturraspe, Francisco (1986), Participación, cogestión y autogestión en América Latina, Caracas, Nueva Sociedad.
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www.tni.org/en/work-area/environmental-justice  .
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Mandel, Ernest, (1973), Contrôle ouvrier, conseils ouvriers, autogestion, Paris, François Maspero.
Maranón-Pimentel, Boris (2007), « La cooperativa agroindustrial Pascual en México : Posibilidades y límites de la economía social », Montréal, CIRIEC/Université du Québec à Montréal (UQAM).
Moreno, Hugo (2005), Le désastre argentin : Péronisme, politique et violence sociale (1930-2001), Paris, Syllepse.
Neuville, Richard (2013), « Quatre décennies de luttes des « sans terre urbains » en Uruguay », dans Franck Gaudichaud (coord.) (2013), Amériques latines : Émancipations en construction, Paris, Syllepse, www.syllepse.net/lng_FR_srub_98_iprod_560-ameriques-latines-emancipations-en-construction.html   .
Neuville, Richard (2012), « Typologie d’expériences autogestionnaires en Amérique latine et indienne », Alter Autogestion, septembre, http://alterautogestion.blogspot.fr/2012/09/typologie-dexperiences.html   
Pont, Raúl (2007), « L’expérience de Porto Alegre », FondationS, n° 5.
Quijano, Aníbal (2014), Textos de Fundación, Buenos Aires, El Signo.
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Svampa, Maristella y Viale, Enrique (2014), Maldesarrollo. La Argentina del extractivismo y el despojo. Buenos Aires, Katzeditores, serie conocimiento.

 



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