Par Nolwenn Weiler
(6 février 2012)
Les aciéries de Ploërmel, dans le sud de la Bretagne, font beaucoup parler d’elles. Lâchées par les actionnaires, elles ont été reprises en coopérative par les métallos en 2005. Les bénéfices de l’entreprise, spécialisée dans la production de pièces ferroviaires, vont croissant. Les aciéries embauchent et les conditions de travail se sont améliorées. Comme quoi, les salariés ne sont pas des patrons comme les autres.
Photo : Laurent Guizard
Situés à deux pas de l’ancienne gare de Ploërmel, les bâtiments d’origine des aciéries locales (API), installées en 1885, abritent encore l’atelier fonderie. Sous le hangar, où pince le froid hivernal, les hommes vont et viennent, au milieu du bruit des machines et des odeurs de poussière de métal. Allumé à 4 h 30 du matin, le four, installé en 1967, crache chaque jour jusqu’à 15 tonnes de métal. Quatre fondeurs se relaient à son chevet, jusqu’à 9 h. Pour le redémarrer à 11 h, quand les tarifs de l’électricité, que le four consomme goulûment, redescendent.
« Faire de l’acier, c’est tout un art », sourit Rémi Garin, responsable sécurité des aciéries, entré dans la boîte il y a trente-cinq ans, à l’usinage. « Ce n’est pas une science exacte. Le comportement du métal change en fonction du taux d’humidité, de la température, et de nombreux autres facteurs qui font que pour maîtriser vraiment ce métier, il faut trois bonnes années de pratique. On n’apprend pas tout ça à l’école », développe-t-il. Une fois fondu, l’acier est coulé dans des moules de sable fabriqués sur place. Puis il refroidit dans des châssis presque aussi vieux que les aciéries. Les moules sont ensuite cassés et les pièces déballées. Direction : l’ébarbage (finitions des pièces) et l’usinage. Des activités déplacées sur le nouveau site, à quelques kilomètres, sur les hauteurs de la ville.
Salariés, « actionnaires » majoritaires
90 % des pièces fabriquées sont destinées au secteur ferroviaire. « Quand un TGV démarre, qu’il accélère ou qu’il freine, il semble glisser sur les rails. Aucun choc n’est ressenti. Une partie des milliers de pièces qui composent le complexe système d’amortissement et de freinage qui permet ce confort sont fabriquées chez nous », explique avec une pointe de fierté Rémi Garin. Il fait partie de la petite dizaine de salariés, très motivés, qui ont proposé et porté la reprise des aciéries en société coopérative et participative (Scop [1]), en 2005. Alors que l’actionnaire majoritaire envisageait la fermeture.
« Au départ, c’était compliqué. Comment convaincre les gens de mettre des billes, alors que plus rien ne semblait fonctionner ? On a dû faire des tas de réunions, discuter pendant des heures et des heures. » L’union régionale des Scop leur a donné un sérieux coup de main. Et leur dossier était plutôt solide. Pas de dettes, un chèque pour solde de tout compte de l’ancien patron de 1,5 million d’euros. Et de gros clients dont ils étaient sûrs.
40 personnes, sur les 80 qui restent alors pour faire tourner la boîte, décident de devenir « sociétaires ». Ils détiennent des « parts sociales » du capital, et peuvent s’exprimer et voter lors des assemblées générales sur le principe d’un homme = une voix, quel que soit le montant des parts détenues. Aujourd’hui, ils sont 56 sociétaires, pour 110 salariés au total, avec une moyenne d’âge de 37 ans, mais la proportion de sociétaires reste plus élevée dans les services administratifs que dans les ateliers. Les bénéfices se situent désormais aux alentours de 6 à 7 % du chiffre d’affaires, soit environ 450 000 euros par an. Ils ne servent pas à rémunérer de lointains et anonymes actionnaires : 60% sont réinvestis dans l’entreprise, 25% sont répartis entre tous les salariés (soit environ 1 000 euros par salarié par an) et 15% reversés aux sociétaires. Dix nouveaux postes cherchent preneurs, alors que partout dans la sidérurgie le chômage progresse. Les aciéries de Ploërmel sont souvent citées en exemple de challenge industriel rondement mené.
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