Le IVe relevé réalisé par l’université de Buenos
Aires dans le cadre du programme « Faculté ouverte » et, dont les
premiers éléments ont été présentés le 21 mars dernier, est principalement axé
sur les cas d’entreprises récupérées par les travailleurs (ERT) entre mars 2010
et décembre 2013[1].
- Depuis la précédente enquête terminée en mars 2010,
63 entreprises ont été récupérées permettant de préserver 2 664 postes de travail.
41 d’entre-elles l’ont été au cours des deux dernières années : 2012 et
2013, ce qui porte le total des ERT à 311 occupant 13 462 travailleurs. Le
nombre d’ERT post-crise (année de référence 2004) s’élève à 144 actuellement en
fonctionnement.
- La moitié des ERT (150) se situe géographiquement dans
l'aire métropolitaine (ville et
agglomération de Buenos Aires) et le reste se trouve à l'intérieur de la
province de Buenos Aires ou dans le reste du pays. L’aire métropolitaine de
Buenos Aires et la région de la Pampa (les provinces de Buenos Aires, la Pampa
et Santa Fe) concentrent à elles seules 81 % des ERT. Toutefois, l’extension géographique se poursuit
puisque des ERT sont aujourd’hui présentes dans 21 des 24 provinces du pays.
- Alors que la métallurgie dominait largement au
cours de la première décennie, elle ne représente plus que 20 % des ERT. Ces
trois dernières années, la récupération s'est élargie à d'autres secteurs
d’activité en particulier les services, comme par exemples au sein d’établissements
éducatifs et gastronomiques.
- L’intensité des conflits sur la période (2010-2013)
se maintient au niveau antérieur, avec un taux d’occupation des entreprises de
61 % et un allongement de la durée moyenne qui passe à 335 jours contre 249
jours précédemment après avoir diminué entre 2004 et 2010. Par contre, la répression
et les tentatives d’expulsion sont en diminution à 37 %.
- Alors qu’en 2010, 63% des ERT avaient obtenu une
loi d’expropriation, seuls 19% des cas postérieurs y sont parvenus et, ce malgré
la nouvelle loi sur les faillites de 2011, initialement perçue comme une avancée.
- L’engagement du mouvement syndical dans le soutien
aux processus progresse de 44% jusqu’en 2010 à 64% au cours de la dernière
période.
- 93 % des ERT maintiennent les assemblées générales
périodiques (56% une fois par semaine). 54% d’entre elles appartiennent à un
mouvement ou une organisation d’ERT ou de coopératives et 71% réalisent des
activités solidaires ou culturelles en lien avec la communauté.
- Globalement, la capacité productive reste moindre
qu’avant la récupération, l’absence de capital (47,1%), de matières premières
(35,3%) et la difficulté d’insertion sur le marché (29,4%) restent prégnantes. Il
y a une évolution par rapport aux données relevées en 2003 due notamment à
l’amélioration de la situation macroéconomique. Néanmoins, l’accès des ERT au
crédit reste problématique du fait de leur statut, c’est ainsi que 29% des ERT
ont recours au « travail à façon », ce qui signifie qu’elles
dépendent d’un donneur d’ordre qui leur procure la matière première et les paie
pour le travail et la maintenance des machines. Relevons également que 61% des
ERT perçoivent des aides de l’Etat.
- Un autre trait significatif de ce phénomène
concerne le maintien d’une égalité salariale (52% des cas). Dans les autres
cas, la différence est le plus souvent liée à la différence du nombre d’heures
effectuées (61,5%). L’échelle des salaires n’est jamais supérieure à 50%.
Ce IVe relevé démontre de nouveau que le mouvement de
récupération d’entreprises est bien ancré dans la réalité de la classe ouvrière
argentine et qu’il n’était pas un processus conjoncturel. Les travailleurs-ses ont
intégré l’alternative de l’autogestion comme une solution possible contre le
chômage et la fermeture d’entreprises en maintenant leur poste de travail sans
exploiter d’autres travailleurs.
Richard Neuville
Pour en savoir plus :
Les synthèses en français des
précédentes enquêtes in Richard
Neuville, « Les entreprises récupérées par les travailleurs en Argentine » sont
consultables sur :
http://www.autogestion.asso.fr/?p=2071 ou sur ce blog : http://alterautogestion.blogspot.fr/search/label/Argentine
Voir également l'article : Richard Neuville, "Plus de 60 entreprises récupérées ces trois dernières années en Argentine" :
http://alterautogestion.blogspot.fr/2014/04/plus-de-60-entreprises-recuperees-ces.html
[1] « Datos destacados del IV relevamiento de ERT del
programa Facultad Abierta », Données transmises par Andrés Ruggeri, Directeur du programme, le 21
avril 2014.
[1] Esteban Magnani,
« IV Relevamiento de la UBA sobre empresas recuperadas, Para no perder el
empleo”, Pagina 12, 20 de abril de 2014. Consultable
sur le site : http://www.pagina12.com.ar/diario/suplementos/cash/17-7607-2014-04-20.html
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