M. Colloghan

dimanche 9 mars 2014

Elections colombiennes : un climat d’insécurité permanent pour les militants des droits et de l’opposition

Communiqué de France Amérique Latine

En cette période électorale, les attaques envers des représentants politiques de l’opposition sont quotidiennes, et croissantes à mesure que s’approche le scrutin. Les élections du Congrès et du Parlement Andin prévues en mars 2014 et les élections présidentielles qui suivront en mai sont soumises à une énorme pression où la prudence habituelle fait place à l’anxiété chez les leaders politiques comme chez les défenseurs des Droits de l’Homme.

Les départements à fort risque en raison de violences généralisées sont le Chocó, Norte Cauca et Bajo Cauca, Meta, Tolima, Antioquia, Putumayo, Caquetá, Guajira, Cesar, Norte de Santander et Arauca.




Les faits sont têtus : le début de l’année 2014 est en effet marqué par de très graves faits d’atteintes à l’intégrité physique et de crimes : assassinats et tortures de militants humanistes comme politiques.

A Bogotá, l’assassinat de Gerson Martinez dans un climat de continuation des poursuites judiciaires contre le maire de Bogotá Gustavo Petro malgré les mobilisations populaires exceptionnellement tenaces de décembre, montre une volonté de terrifier ce mouvement pacifique.

Dans les quartiers Sud de la ville, un mouvement de type para-militaire perpétue des crimes de “Nettoyage social” en toute impunité, dont des jeunes des quartiers populaires sont les principales victimes. Jose Pacanchique a été assassiné dans la zone d’Usme. D’autres jeunes s’ajoutent à la liste sinistre de ce début du mois de Janvier sur les rives du fleuve Yomasa toujours dans le sud de Bogotá.

Les mouvements et partis politiques Union Patriotique, Marche Patriotique, Mesa Agropecuaria y Popular de Interlocución y Acuerdo – MIA, Parti Communiste, Polo Démocratique Alternatif et Progressistes sont particulièrement visés.
Piedad Córdoba David , Flores, Andrés Gil , Carlos lozano, Carlos García, Nidian Quintero, Luis Betancur, Everto Días, Javier Cuadro, tous membres de la direction nationale de la Marche Patriotique, ainsi que tous les coordonateurs départementaux et régionaux de l’organisation, ont été menacés de mort par le groupe paramilitaire “LOS RASTROJOS – COMANDOS URBANOS” , qui menace de la manière imminente la vie et l’intégrité physique de ces dirigeants populaires.


De la même façon, ont été menacés de mort par le groupe paramilitaire LAS AGUILAS NEGRAS des personnalités de la vie politique nationale : Alirio Uribe Muñoz candidat à la Chambre des représentants, le candidat au Congrès Iván Cepeda Castro, la candidate à l’élection présidentielle Aída Avella et le maire de Bogotá Gustavo Petro.


On notera l’insistance et le caractère systématique des menaces, filatures et agressions à l’encontre des membres de la commission des Droits de l’Homme du mouvement Marche Patriotique et de l’Union Patriotique que les situations locales illustrent parfaitement.

En régions, des listes de personnes, leaders sociaux paysans sont menacés nommément par ce groupe paramilitaire, en particulier, les candidats pour l’Union patriotique et leurs soutiens ainsi que ceux qui ont exprimé leur appui au Maire de Bogotá Gustavo Petro. Toutes ces personnes sont en grave danger de mort.

Gilberto Daza, conseiller municipal du Pôle Démocratique Alternatif de Sucre, a été abattu le 28 décembre 2013 parce qu’il soutenait les initiatives sociales et communautaires environnementalistes locales.

Le 21 février Isidro Olaya Velásquez, secrétaire de la Junte d’action communale de la Vereda Patalo a été victime d’un attentat à Chaparral dans le Tolima pour son engagement électoral pour l’Union Patriotique et son collègue Raúl Ever Salazar a été menacé du même sort le lendemain. Tous deux sont membres de l’organisation paysanne ASTRACATOL et soutiennent la candidature au Congrès de Nelson Hernando Moreno.


Les traitements inhumains et dégradants affligés lors de sa détention arbitraire à l’opposant politique communiste Omar Javier Busto , sont révélateurs d’un climat de terreur et d’intimidation grandissant.

A Balboa dans le Cauca, les habitants ont eu la stupeur de découvrir le 12 février les tracts menaçants distribués par les 200 hommes armés du groupe paramilitaire Los Urabeños vêtus de tenues de camouflage aperçus plus tôt et l’instauration d’un couvre feu, dont le non respect les exposent sans équivoque possible.

Selon une enquête menée par l’Hebdomadaire Semana et publiée début février, les agences d’intelligence d’Etat continuent d’exercer des activités illégales d’intelligence, et notamment d’écoutes illégales qui fragilisent les libertés individuelles et les droits civils.


A la suite de ces révélations, deux hauts responsables de l’intelligence militaires ont été démis de leurs fonctions, le Général Mauricio Zúñiga, chef de l’intelligence de l’Armée de Terre et le Général Jorge Zuluaga, Directeur de la Centrale de l’intelligence technique de l’Armée de terre (Citec). Une enquête a été ouverte officiellement dans la foulée sur cette opération nommée Andromède alors qu’il a été démontré que ces faits étaient déjà connus du gouvernement de Juan Manuel Santos puisqu’ils avaient donné lieu à une perquisition le 23 janvier.

Ces activités ont été menées toujours dans le passé contre des organisations politiques, sociales, syndicales et Droits de l’homme afin de les neutraliser et d’empêcher leur travail à travers des menaces, le discrédit et le sabotage de leurs activités institutionnelles. Dénoncées fortement sous le gouvernement d’Alvaro Uribe, elles n’ont non seulement pas disparues mais se sont semble-t-il accrues. Elles contribuent à alimenter une guerre sale contre les militants des droits et l’opposition politique. Que font ces services de l’armée de terre de l’information recueillie illégalement ?


Le Représentant à la Chambre Etats-Unienne, McGovern, s’est d’ailleurs dit particulièrement inquiet des écoutes illégales pratiquées par l’armée colombienne (Opération Andromède) des membres de l’équipe du gouvernement et de l’équipe des FARC-Ep participant aux dialogues de paix qui se déroulent à La Havane, Cuba.

Les organisations de défense des Droits de l’Homme continuent d’être la cible privilégiée d’attaques permanentes et celles-ci redoublent en cette période pré-électorale et à mesure que leur lutte contre de l’impunité qui les honore porte ses fruits dans les cours de justice nationales ou à la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme.


Des membres du Collectif d’Avocats Alvaro Restrepo, du Mouvement National des victimes des Crimes d’Etat-MOVICE, la Commission Inter ecclésiale Justice et paix ou des leaders communautaires de la lutte pour la restitution des terres, y compris non organisés, ont été menacés de mort imminente. Ils sont suivis, épiés, harcelés, menacés et des faits alarmants montrent que des groupes obscurs sont prêts à s’attaquer à leur vie et à celle de leurs proches.
Le Comité Permanent pour la défense des Droits de l’Homme (CPDH) est l’objet de menaces extrêmement violentes, de montages juridiques et de vols, notamment d’informations. On s’inquiètera particulièrement du sabotage du matériel de protection alloué aux membres du siège du CPDH ; de même que du vol et la dégradation du matériel de travail des associations présentes dans la Casa de los Derechos Humanos de Cali .

Carlos Arturo Ospina Córdoba, militant contre l’impunité de l’assassinat de sa mère, Ana Fabricia Córdoba, a été assassiné le 1er février à Medellín, c’est le cinquième assassinat d’un membre de cette famille, les précédents demeurant impunis. Ils ont pour motif les luttes menées par ces leaders agraires pour la restitution des terres dans le département d’Antioquia.

Le Magdalena Medio, le Chocó et Antioquia sont les régions où les victimes ont présenté le plus de dénonciations de pressions et menaces liées à leur travail opiniâtre de demande de restitution de terre usurpées. Des leaders paysans, des Présidents de Juntes d’Action communale, subissent des intimidations particulièrement graves et alarmantes. Des communautés déplacées paysannes et/ou indigènes se trouvent sous la menace quotidienne conjointe de groupes paramilitaires et des troupes militaires ainsi que d’entreprises occupantes de mauvaise fois .

France Amérique Latine entend ici rappeler son soutien sans faille à ces hommes et ces femmes en butte à la violence pour l’exercice de leurs activités essentielles à la démocratie et à la dignité humaine. FAL rappelle également que ce type de violences sont des manquements aux Droits de l’Homme d’une extrême gravité tant vis-à-vis du droit colombien que vis-à-vis du droit international. Par ailleurs, leur existence met en péril la légalité des élections à venir et constituent une violation grave aux principes de démocratie reconnus expressément par la Colombie à l’article 103 de sa Constitution Politique de 1991 .

L’article 152 de cette même Constitution, ainsi que la Ley Estatutaria , institue le Congrès de la République comme garant de la bonne tenue et de l’organisation des partis politiques en Colombie. Tous ces faits de violations tant aux Droits Humains qu’au droit électoral ont fait l’objet de plaintes légales (sauf les plus récentes, leur traitement est encore en cours). Il est grand temps pour l’Etat colombien de réagir aux débordements de violences qui encadrent d’ores et déjà les séquences électorales à venir. De même, afin de garantir la sécurité des représentants politiques et des défenseurs des droits humains, FAL engage la Communauté internationale et la solidarité internationale à rester vigilantes quant au suivi de ces affaires urgentes. Il existe des fonctionnements simples et adaptés à cette situation, notamment par l’application automatique du processus des “Medidas Cautelares” (mesures préventives de protection judiciaire) prévues à l’article 25 de la Convention Interaméricaine des Droits de l’Homme, applicable directement dans le droit colombien .

France Amérique Latine appelle les organisations internationales et les démocrates à les exiger auprès du gouvernement colombien et à demander la garantie effective d’élections libres de pression et de répression.


La santé démocratique de la Colombie est extrêmement fragile et cette nouvelle gangrène de violence vient contredire les annonces en faveur de la paix affichée dans le cadre de la campagne. Le remède est entre les mains du gouvernement colombien et de la Communauté internationale, encore faudrait-il s’en saisir, urgemment.

France Amérique Latine, Paris, le 2 mars 2014.

1. artiste urbain de 29 ans engagé dans le mouvement en faveur du maire de Bogotá Gustavo Petro et des initiatives de paix et sociales. Il a été assassiné dans le quartier de San Cristóbal, au sein du District Capital, le cinq janvier 2014. Les faits ont été commis par des hommes armés dépourvus d’humanité qui ont également blessé et poursuivis les trois jeunes qui étaient avec lui. 2. Omar Javier Busto est l’équivalent du secretaire du Parti Communiste Colombien. Il a été arrêté le 20 janvier 2014 sans notification de motifs, roué de coups et maltraité pendant toute un après midi dans les locaux de la police de Teusaquilla (bureau 13).
3. La Maison des Droits de l’Homme de Cali héberge de nombreuses associations, les victimes sont ici le CPDH et ANDAS.
4. C’est particulièrement vrai pour los Montes de María, Urabá antioqueño et Chocoano, Cesar, Meta, Casanare, Bolívar
5. Ces principes émanant de la Constitution politique comme du Pacte international des droits civils et politiques de 1966 est dument applicable et même complété par la loi 131 du 9 mai 1994.
6. Les “Leyes estatutarias” sont des lois statutaires qui correspondent à des lois constitutionnelles françaises en ce quelles représentent des modalités directes d’application des dispositions de la Constitution.
7. Comme le dit clairement la Sentencia de la Corte Constitucional de Colombia C-379/04

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